Suite à une accusation de bavure, le commissaire Gereon Rath quitte Cologne pour Berlin où il est affecté à la Brigades des Mœurs. Lorsqu'un cadavre est repêché dans un canal sans moyen de l'identifier, Rath flaire le moyen d'avoir de l'avancement et d'être muté à la brigade criminelle: il a en effet croisé l'homme peu avant sa mort chez sa logeuse. Mener l'enquête seul n'est cependant pas des plus prudents et Rath va bientôt avoir ses propres secrets à dissimuler.

Alors que la série Babylon Berlin en est à sa quatrième saison, il existe neuf romans consacrés aux enquête de Gereon Rath dans le Berlin de la République de Weimar. Seuls les trois premiers avaient été traduits en français chez Le Seuil et la publication interrompue il y a dix ans. Voilà une seconde chance qui se présente de les lire dans la langue de Molière, en espérant que les autres tomes suivront cette fois-ci. Si l'on a déjà vu la série télévisée, on découvre rapidement que celle-ci est une adaptation très libre: la plupart des personnages secondaires ne sont pas (encore) aussi développés dans ce livre, notamment Charlotte Ritter, qui est un intérêt amoureux de Gereon et n'a pas l'air d'être gourde mais est très loin d'être la protagoniste d'importance équivalente au commissaire qu'elle est dans la série. L'intrigue principale a servi de fil rouge aux deux premières saisons, elle ne s'embarrasse pas ici d'autant d'histoires parallèle.

Cela ne veut pas dire pour autant qu'elle est simpliste et le pauvre Gereon va subir quelques déconvenues lors de son enquête, d'autant qu'il va la jouer très perso pendant un bon moment... et se retrouver lui-même avec un cadavre encombrant et un coupable qui sait, et qui sait qu'il sait. Gereon, d'ailleurs, n'est pas un personnage extrêmement sympathique de prime abord. Ambitieux, il n'est pas aussi tourmenté que son homologue télévisé car il ne souffre pas de syndrome post-traumatique et ne se met pas à la drogue suite à ce dernier. Pourtant, on n'a aucun mal à suivre ses pas dans un Berlin empli de tensions entre les différents groupes politiques qui ont émergé après la fin de la Grande Guerre: nationalistes de tout poil, SA, staliniens, trotskyste, Russes blancs... Sans parler de la pègre qui a aussi son mot à dire. Rien que pour cela, cette première enquête berlinoise est accrocheuse, Kutscher restituant ce que l'on sait être une poudrière, passant des commissariats où les différents services rivalisent aux cabarets douteux avec un détour par des réunions d'anciens combattants qui n'ont pas abandonné leurs plans d'avenir radieux pour le Reich.

Que l'on connaisse déjà ou non Babylon Berlin, Le Poisson mouillé se lit d'un trait. Dans le premier cas, on redécouvre des personnages familiers sous un angle bien différent, dans l'autre on se ménage pas mal de surprises mais l'atmosphère poisseuse du Berlin de la fin des années 20 reste le point fort de ce roman dont on espère que les suivants creuseront davantage les comparses de Rath.