Lindy Pepper-Bean mène une vie de rêve à Bontemps où elle ne travaille que deux heures par jour et passe le reste de ses journées à s'amuser avec ses amis qu'elle ne voit qu'à travers une bulle virtuelle rassemblant tous ses contacts. Le Docteur et Ruby s'y introduisent pour l'avertir d'un terrible danger. Lindy ne les croit d'abord pas mais quand ses amis disparaissent les uns après les autres, elle doit se rendre à l'évidence.

Russell T. Davies est-il fondamentalement optimiste ou pessimiste? A-t-il confiance en l'espèce humaine ou s'en méfie-t-il comme de la peste? Une sélection de certains de ses épisodes aux dépens d'autres ferait facilement pencher la balance d'un côté alors que le scénariste est capable de passer d'un idéalisme miévrasse à la misanthropie la plus déprimante d'une intrigue à l'autre. Dot and Bubble est dans cette veine-ci même si pendant les deux-tiers, l'épisode cache son jeu, apparaissant comme un simple "monstre de la semaine" doublé d'une critique attendue des réseaux sociaux où le terme de bulle virtuelle est pris au sens le plus strict.

Après un épisode "Doctor-lite", on enchaîne sur un autre où lui et Milly sont présents mais pas physiquement jusqu'aux dernières minutes. On suit donc le personnage de Lindy, jeune femme gâtée qui ne vit qu'au travers de ses contacts dans un monde lumineux où tout va bien jusqu'à ce que les héros lui fassent réaliser que d'affreuses limaces géantes bouffent son entourage et qu'elle risque fort d'y passer aussi. Lindy va devoir apprendre à ne pas se reposer uniquement sur sa bulle pour lui indiquer quoi faire et découvrira dans son aventure les contacts humains, notamment en rencontrant quelqu'un qu'elle n'a connu qu'à travers son image et qui se révélera encore plus génial qu'elle ne le pense. C'est joli tout ça, non? Alors que l'intrigue suit un cours tout aussi sympathique que convenu on tombe dans le piège.

Lindy n'est pas un personnage aimable d'entrée de jeu. C'est une fille de riches hautaine et superficielle pour qui vaguement travailler deux heures par jour est une corvée et qui ne s'intéresse qu'aux discussions surexcitées et creuses avec ses contacts. Elle va devoir se montrer courageuse au long de son aventure et sortir de sa zone de confort en acceptant l'aide du Docteur. Son évolution suit alors ce que l'on pense être une ligne classique durant laquelle elle va découvrir les vraies valeurs de la vie. Jusqu'à ce qu'elle prenne une décision pour sa propre survie qui montre qu'il n'en est rien et le vrai visage du personnage mais aussi de la société dans laquelle elle vit apparaissent. Ce n'est pas la première fois que le Docteur sauve des personnages dont on peut penser qu'ils ne le méritent pas en échouant à en préserver de plus méritants. Voyage of the Damned et Flatline évoquaient le sujet. Ici, ce n'est pas un membre d'un groupe qui est concerné mais tout le groupe et la fin est particulièrement sombre. Le twist est surprenant mais comme tout bon twist on avait des indices dès le début, ne serait-ce que dans le choix des acteurs. À ce propos, le casting d'un acteur noir dans le rôle principal de la série laissait supposer que tôt ou tard le Docteur serait confronté au racisme comme Thirteen avait été en butte à la misogynie. Davies se montre malin en ne le casant pas là où l'on s'y attendait, dans un épisode situé dans le passé, comme c'était le cas quand les compagnes du Seigneur du Temps en étaient victimes mais dans un futur technologiquement avancé.

Ncuti Gatwa a donc l'occasion d'étoffer encore son personnage qui se prend en pleine figure des réactions auxquelles on n'avait pas vraiment vu le Docteur se colleter. Le mélange de blessure, d'incrédulité puis de colère est parfaitement géré et promet pour les moments futurs où l'on pourrait voir un Docteur plus sombre. Millie Gibson est beaucoup moins sollicitée que dans 73 Yards. L'actrice qui a le plus de boulot n'est pas elle mais Callie Cooke, parfaite dans le rôle de Lindy, agaçante comme il faut, laissant entrevoir une amélioration pour finalement se révéler un personnage bien plus détestable que prévu. Je ne me rappelle pas que la série ait déjà joué la carte de suivre un "villain protagonist" mais ici cela s'avère d'autant plus efficace que l'on imaginait une évolution lénifiante.

Dot and Bubble est un épisode trompeur. Loin d'être un petit épisode dans les standards de la série, il prend un tournant d'un pessimisme rarement atteint. De plus, si le message anti-raciste peut paraître peu subtil, le fait que l'on cache pendant l'essentiel de l'épisode que cela va être un sujet pallie à ce travers et évite le sentiment de matraquage. Peut-être la bonne surprise de la saison pour l'instant après un trailer pas spécialement engageant.