Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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The Staircase
En décembre 2001, Michael Peterson, écrivain et patriarche d'une vaste famille recomposée, appelle paniqué les secours après avoir trouvé sa femme Kathleen mourante au pied d'un escalier. Les blessures de la victime intriguent lors de l'autopsie et Peterson est accusé de meurtre. Il clame son innocence mais ses nombreux mensonges refont surface et son cas intrigue une équipe de documentaristes français.

Le genre "true crime", émissions ou livres relatant de véritables histoires criminelles, est particulièrement populaire et The Staircase (Soupçons chez nous), documentaire réalisé dans les années 2000 par Jean-Xavier Lestrade, en est apparemment l'un des fleurons et des pionniers. Je dis apparemment car jusqu'à récemment, j'ignorai son existence et son importance, ne m'intéressant guère aux affaires de meurtres qui défraient la chronique (trop souvent de sensationnalisme à partir de tragédies dans ces programmes pour moi). Néanmoins, parmi les dérivés du true crime, on a les adaptations en mini-séries de fiction de certains cas emblématiques et si ce n'est pas non plus une branche qui m'attire particulièrement, j'y trouve de temps en temps un intérêt, généralement lié à qui se trouve devant ou derrière la caméra. Récemment, avec Landscapers, Will Sharpe avait abordé l'exercice de manière délibérément fantaisiste, se souciant moins d'analyser le réel que de montrer un couple le fuyant. The Staircase d'Antonio Campos, qui comme le documentaire de Lestrade se penche sur le cas de Michael et Kathleen Peterson (et aurait pu se trouver un autre titre histoire de ne pas porter à confusion), tente une approche différente, au premier abord plus classique mais qui ne s'intéresse pas forcément plus à restituer pieusement les faits.

Au cours des huit épisodes, on découvrira la famille Peterson, la personnalité trouble de Michael qui se dévoile peu à peu, les angoisses de Kathleen avant son décès, on suivra le procès, ses conséquences sur Michael et ses enfants, biologiques ou non, mais également le rôle de l'équipe de documentaristes qui a suivi les Peterson pas à pas, et notamment la monteuse Sophie Brunet qui finit par entretenir une relation avec Michael lorsque ce dernier est en prison. Différentes versions sont étudiées, de la chute accidentelle au meurtre en passant par l'attaque de chouette (une théorie qui parait bien farfelue mais qui est montrée ici de manière plausible). La mini-série ne tranche pas, bien que les spectateurs pencheront forcément pour une version plutôt que l'autre. Michael Peterson est menteur et manipulateur et on a de moins en moins envie de l'approcher au fil des épisodes. Mais est-il coupable de ce crime-ci en particulier? On voit par ailleurs que l'enquête et le dossier monté par les procureurs comprenaient des failles énormes, que la bisexualité du suspect a été très (trop?) vite un angle d'attaque mais cela innocente-t-il pour autant Michael? Qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui est faux? La présence des documentaristes ajoute un nouveau niveau de réflexion: la première prise filmée de Michael ne leur convient pas, ils veulent en retourner une mais dans laquelle serait-il le plus vrai, le plus spontané? Sans compter les choix de montage, les moments qu'ils n'ont pas pu filmer, etc.

Les différents intervenants, de Peterson à Lestrade en passant par l'avocat David Rudolf n'ont pas manqué de s'indigner des libertés prises par Campos avec les faits. Il est bon de rappeler ces derniers et de souligner les différences entre ce que montre la série et leur propre expérience. Il est cependant toujours un peu vain de s'emporter (même si c'est parfaitement compréhensible quand on est concerné de si près) car une fiction, même basée sur une histoire vraie, reste une fiction, avec ses contraintes et ses licences. D'autant plus qu'ici il s'agit d'une fiction dont le but n'est certainement pas d'élucider l'affaire, de blanchir Michael Peterson ou au contraire d'assurer de sa culpabilité mais de montrer à quel point il est difficile de saisir la vérité quand chacun en montre une version différente, celle qu'il veut voir triompher, et dans un sens, une fiction qui ne cache pas qu'elle en est une me paraîtra toujours plus honnête qu'un documentaire qui ne peut être totalement neutre (ce qui ne veut évidemment pas dire qu'il faut prendre ce qu'elle raconte pour argent comptant et qu'un documentaire est forcément mensonger. Mais l'argument bien connu "c'est une fiction, pas un documentaire", tout en défendant la fiction, laisse toujours sous-entendre qu'un documentaire est forcément exact et impartial).

La mini-série n'est par ailleurs pas sans défauts. Le casting est excellent (là encore peu importe d'avoir des portraits crachés des personnes réelles), notamment un Colin Firth bien loin de ces rôles d'Anglais coincés mais néanmoins charmants, il campe ici un personnage égocentrique et pompeux dont il faut attendre le dernier épisode pour découvrir toute l'étendue de sa duplicité. Toni Collette a la charge de faire revivre Kathleen Peterson, et les efforts pour ne pas la perdre de vue et la conserver au centre de l'histoire sont louables même si on peut s'interroger du coup sur la pertinence de la voir mourir de différentes manières aussi violemment. Les seconds rôles sont à l'avenant, on croise ainsi Sophie Turner, Dane DeHaan, Parker Posey ou Michael Stuhlbarg qui jouent leur partition à merveille. Petit bémol côté français de l'étape, dont Juliette Binoche: ils sont loin d'être mauvais, attention, mais certaines de leurs scènes souffrent probablement du fait d'être réalisé par quelqu'un qui n'était pas bilingue et semblent un peu plates (on est quand même loin des échanges entre Mélanie Laurent et Jacky Ido dans Inglourious Basterds, pas de panique). De plus, avec huit épisodes de plus d'une heure, on sent parfois le temps passer, notamment dans la deuxième moitié.

Était-il pertinent de réaliser une série sur cette véritable affaire, encore récente? Peut-être pas mais le résultat, qui plonge dans les méandres du système judiciaire américain et d'une famille à l'histoire compliquée n'en demeure pas moins fascinant malgré quelques longueurs.
potion préparée par Zakath Nath, le Mercredi 20 Juillet 2022, 09:38bouillonnant dans le chaudron "Séries tv".