Les temps sont durs en Osten Ard: le roi Simon pense sa chère Miriamele morte, celle-ci entreprend un voyage plein de dangers pour regagner le Hayholt, désormais consciente de l'identité de leur véritable ennemi. Morgan est toujours perdu, tous les royaumes sont en proie à des troubles et des rébellions et une armée de Norns, conduite par leur reine Utuk'ku en personne, descend vers le sud.

Caramba, encore raté! Non, pas le bouquin, qui est très bien malgré quelques défauts, mais la promesse de Tad Williams de terminer une trilogie en trois tomes. Ce qui n'était guère surprenant tant les deux premiers volumes avaient multiplié les pistes et les fronts sans amener beaucoup de réponses. Et pendant un bon moment dans cet opus-ci, on craint qu'il en sera de même: le récit est éclaté entre différents personnages qui ne semblent pas près d'y voir plus clair ou de converger vers un même point pour s'affronter ou se concerter, les méchants continuent d'appliquer leurs plans sans encombres et quand enfin deux personnages se retrouvent face-à-face et sont sur le point de se reconnaître et de peut-être enfin s'expliquer et même s'allier... l'un d'eux est foudroyé par une crise d'apoplexie! Cette frustration devient même comique lors d'une scène entre Simon et Yeja'aro où le refus de faire simple et direct rend chèvre autant le héros que le lecteur.

Pourtant, l'intrigue avance, et il y a même quelques avancées décisives. Du côté d'Unver, alors qu'on n'y croyait plus, le personnage semble enfin réaliser ce qui se joue autour de lui, démasque quelques traitres et remet en place Vorzheva, personnage qui a toujours eu un caractère difficile mais qui dans cette tri/tétralogie est devenue insupportable (le genre qui se plaint que personne ne l'aide alors qu'elle ne demande aucune aide aux gens tout disposés à l'aider). Surtout, Pasevalles abat ses cartes devant plusieurs personnages et s'il n'a pas fini de nuire, au moins les héros vont pouvoir contre-attaquer en connaissance de cause. Il est toujours dur de voir souffrir des personnages que l'on a aimé dans L'Arcane des Épées et dont on souhaitait après leurs épreuves qu'ils connaîtraient une vie longue et heureuse, et là, Simon, Miriamele, Tiamak et Eolair en bavent, sans parler du fait qu'on est sans doute fixé sur le destin de Josua et ce n'est guère réjouissant (et anti-spectaculaire à souhait). Du côté des nouveaux, Morgan ne devient pas héroïque, on est loin des exploits accomplis par son grand-père mais il est plus plaisant à suivre et forme un duo inattendu avec Nezeru tandis qu'Utuk'ku est toujours habile pour conduire les protagonistes sur de fausses pistes tout en cachant son véritable plan tordu.

Into the Narrowdark fait donc progresser l'intrigue alors qu'on commençait à désespérer et l'univers Osten Ard est toujours aussi passionnant sous des dehors classiques. Néanmoins, Tad Williams a lancé tant de personnages sur les routes (et dans des souterrains, il ne se refait pas), tant de sous-intrigues que l'on se demande si un seul pavé suffira à tout boucler de manière satisfaisante.