Wyatt Earp arrive à Wichita où il se fait vite remarquer en mettant en déroute des braqueurs de banque. Il refuse tout d'abord le poste de shérif qu'on lui offre mais change d'avis en voyant des cow-boys mettre la ville à sac. Ses méthodes déplaisent cependant vite aux notables qui l'ont engagé.

Wyatt Earp est l'une des personnalités ayant atteint le statut de figure mythique de l'Ouest américain grâce au fameux règlement de compte d'OK Corral qui a été porté à l'écran bien des fois, souvent dans des films eux-même passés à la postérité. Ce western de Jacques Tourneur a ceci de particulier qu'il ne s'intéresse pas du tout à cette page de l'Histoire mais nous montre un épisode antérieur, le passage de Earp à Wichita, localité en pleine expansion avec sa gare de chemin de fer sur le point d'être inaugurée et le passage régulier des éleveurs de bétail qui viennent booster l'économie... mais sèment aussi la pagaille les soirs de beuverie. Évidemment, en romançant beaucoup, l'intrigue principale brodant sur le simple fait qu'Earp ait été membre des forces de l'ordre là-bas à la même période.

En effet, sous les traits de Joel McCrea, le bonhomme est droit dans ses bottes, un chevalier blanc rechignant d'abord à devenir shérif puis acceptant sa mission et sa vocation après que des cow-boys en goguette aient accidentellement tué Michael Jackson (un bambin de cinq ans). La réalité est moins rose car il fut à Wichita accusé de quelques malversations et son départ pour Dodge City ne s'est pas fait avec le sentiment du devoir accompli mais pour rejoindre son frère James qui y avait ouvert un bordel. On est encore en phase de construction de la légende plus que de sa remise en cause. L'intérêt de l'intrigue ne repose pas sur la complexité ou l'ambiguïté morale du personnage principal mais plutôt sur l'attitude des habitants de Wichita à son égard: le maire et McCoy, le plus grand entrepreneur des lieux, sont parmi les premiers à lui demander de devenir shérif après qu'il ait empêché des voleurs de partir avec l'argent gardé à la banque. Dès que Wyatt Earp prend des mesures contre les cow-boys qui descendent en ville pour semer la désolation après des mois loin de la civilisation, ils renâclent car Earp se met à dos Wallace, éleveur qui participe à l'économie de Wichita.

Le film prend un malin plaisir à montrer Earp sans arrêt en porte à faux, refusant d'être shérif quand on le sollicite, vite remis en cause une fois qu'il se met au travail et il prend des directions parfois inattendues: un personnage qu'on pense destiné à se faire tuer pour ajouter une pincée de drame survit (bon, en fait il a vraiment existé et si j'avais su je me serais moins inquiétée... Cela dit, vues les libertés prises avec l'Histoire, ça ne veut rien dire), l'arrivée de deux tueurs en ville prend une tournure surprenante... De quoi contrebalancer quelques sous-intrigues plus prévisibles comme la romance entre Earp et la fille de McCoy, contrariée par l'opposition entre les deux hommes.

Ce western est aussi très classe à regarder, avec son cinémascope et son technicolor (me fiant à la jaquette du dvd, je l'ai cru en noir et blanc et m'attendais donc à quelque chose de plus austère) qui donne une amplitude à ce qui pourrait n'être qu'un film de série de plus. Le sac de la ville par les cow-boys excités reste le morceau de bravoure mais l'on peut regretter qu'en dépit de ses qualités, il ne soit pas aussi visuellement marquant que Le Passage du Canyon du même réalisateur. Outre Joel McCrea très bien en héros malgré lui mais déterminé, on croise Vera Miles, Lloyd Bridges ou encore cette bonne gueule de Jack Elam (en crapule, comme il se doit), bref, une distribution solide en terrain connu.

Il manque quelque chose à Un jeu risqué (dans la série "titre français déconcertant"... Le film s'appelant Wichita en VO) pour être mémorable mais la beauté des images et les relations entre les notables de la ville et son shérif suffisent à faire passer un très bon moment.