Après avoir affronté les frères Shapiro pour le contrôle des machines à sous dans le quartier de Bronwsville à Brooklyn, Abe "Kid Twist" Reles et ses complices se taillent une réputation de tueurs habiles. De quoi attirer l'attention des grands pontes du crime de Manhattan qui les emploient pour se débarrasser des gêneurs dans tout le pays. Jusqu'à ce qu'un meurtre entraîne une réaction en chaîne fatale au groupe désormais surnommé Murder Inc par la presse.

Comme le premier diptyque de Mafia Story centré sur Dutch Schultz, les deux tomes suivants sont clairement divisés entre une partie ascension et une partie chute. On se concentre cependant moins sur un homme que sur une organisation, restée dans les mémoires comme Murder Incorporated bien qu'évidemment, ce nom n'ait pas été délibérément adopté par ses membres. Parmi ces derniers, Abe Reles émerge tout de même comme la figure principale, puisque c'est autour de lui et de sa décision de partir en guerre sur le terrain des Shapiro que va naître le groupe, et s'il ne va pas lui-même enclencher sa chute, une fois celle-ci en marche, il va tout faire pour y participer en tentant d'en sortir indemne en vendant ses camarades. On sait d'entrée que cela ne finira pas bien pour lui même si les circonstances de sa mort à la suite d'une chute de six étages restent floues suite à une enquête bâclée, probablement délibérément. Luciano se serait targué de l'avoir commanditée, avec Frank Costello à la manœuvre mais on n'en saura pas plus à l'issue de cette histoire.

Encore une fois, le double album est très touffu et si l'on en sait peu sur Murder Inc et que l'on a tendance à s'emmêler les pinceaux entre les gangsters surnommés Bugsy, très instructif. Toutefois, contrairement aux volumes de Ce qui est à nous, en particulier lors du premier cycle, on souffre un peu de passer vite sur l'évolution des personnages de petites frappes à criminels redoutables. Ce n'est pas qu'on s'attachait aux autres mais ici, avec une narration aussi dense avec beaucoup de name-dropping, il est parfois difficile d'assimiler toutes les informations et de s'intéresser à ce qui arrive à ces gens tant tout est factuel.

Le personnage de Bricks manque peut-être. Bien qu'annexe à l'action et de plus en plus en retrait alors que ses camarades montaient les échelons tandis que lui restait un simple et à peu près honnête observateur, sa présence permettait cependant de créer un petit lien humain et de donner vie à l'évolution de New York et de sa faune. Il y avait également un certain sens de l'ironie dans sa narration et dans les situations décrites qui rendaient la lecture plus ludique. Encore que c'était déjà moins le cas dans les tomes traitant de la guerre des Castellammarese et ce changement est peut-être inévitable quand on aborde des périodes ou des vies très renseignées qui laissent moins de place à l'imagination et à des passages fictifs.

La série n'a par ailleurs pas perdu ses qualités: scénario fouillé et précis de Chauvel qui doit trier entre faits, rumeurs et hypothèses probables, dessin détaillé de Le Saëc mais la leçon d'Histoire, toute aussi passionnante soit-elle, menace par moment d'être un peu fastidieuse.