Alors que la Première Guerre Mondiale touche à sa fin, Dan Coughlin, agent de police à Boston, est chargé d'infiltrer les milieux de gauche que le gouvernement soupçonne de fomenter des troubles. Luther Laurence, pour sa part, fuyant un passé agité, arrive en ville et trouve une place de domestique dans la demeure de la famille Coughlin.

Un pays à l'aube est le premier volet d'une trilogie centrée sur la famille Coughlin. Thomas, le père, est un immigré irlandais qui s'est taillé une place respectée dans la police bostonienne. Son fils Aiden dit Dan suit ses traces malgré son caractère indépendant, le suivant, Connor, travaille dans le bureau d'un procureur tandis que le plus jeune, Joe, n'a que onze ans mais se montre déjà remuant. C'est surtout Dan que l'on suivra alors qu'il prend à cœur les revendications de ses collègues pour avoir un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail, tout en étant chargé d'espionner des organisations gauchistes. Longtemps partagé entre son besoin de justice sociale et son travail, Dan va devoir choisir son camp. Sa route va croiser celle de Luther Laurence, jeune Noir de l'Ohio qui après s'être installé à Tulsa, est contraint de fuir la ville. On aura également droit à des intermèdes mettant en scène le légendaire joueur de base-ball Babe Ruth, sur le point de jouer pour l'équipe de Boston, dont le chemin va croiser celui de Luther et Dan.

Moins un roman policier malgré la collection dans laquelle il est paru qu'un roman historique, Un pays à l'aube est une plongée dans le Boston de l'après Grande-Guerre: on y dépeint l'arrivée de la grippe espagnole (et l'on voit que porter correctement le masque en pleine pandémie n'est pas un défi nouveau), l'agitation anarchiste et la crainte des Bolcheviks mais aussi une police au bord de l'implosion, qui menace de grève. Les personnages principaux, à commencer par Dan et Luther, sont très humains dans leurs faiblesses tout en essayant de bien faire, et Eddie McKenna est un méchant fort réussi. Ce n'est pas le genre de méchants dont la vilénie est jouissive à regarder mais il semble tellement impossible de se dépêtrer de la pression qu'il met sur le pauvre Luther qu'on tremble à chacune de ses apparition, en croisant les doigts pour que les protagonistes trouvent un moyen de le contrer. On assiste également à une période de revendications sociales et à des droits obtenus de haute lutte, quand ils sont obtenus. La lecture est parfois franchement désespérante et même les victoires apparentes sont en demi-teinte (voir un personnage noir s'établir paisiblement à Tulsa à l'aube des années vingt n'est pas le happy-end que les apparences peuvent donner).

Avec Un pays à l'aube Dennis Lehane nous emmène dans un Boston en plein bouleversement, à la veille d'en connaître un nouveau puisque le tome s'achève alors que le Volstead Act est adopté, ce qui aura probablement un impact sur la famille Coughlin, reste à voir lequel dans les romans suivants.