La cité de Tevanne repose sur une magie puissante consistant à graver des sceaux dans des objets pour les convaincre de briser les contraintes de la physique: l'enluminure. Sancia, une jeune voleuse, a la capacité de sentir l'histoire des objets et d'entendre leurs enluminures. Lorsqu'elle est chargée de voler un artefact précis dans un coffre lourdement gardé, elle ignore encore qu'elle va perturber le fragile équilibre sur lequel repose Tevanne.

Premier tome d'une trilogie signé Robert Jackson Bennett, Les Maîtres Enlumineurs était précédé de forts bons échos, vantant notamment son système de magie inédit et astucieux. Inédit, peut-être pas complètement, ensorceler des objets n'ayant rien de particulièrement original, c'est le moins qu'on puisse dire. L'intérêt tient surtout au fait qu'à l'instar d'un Brandon Sanderson par exemple, l'auteur prend soin de détailler le fonctionnement de son système de manière quasiment scientifique. Ce qui montre qu'il y a bien réfléchi pour que tout se tienne et qu'on puisse croire aux différentes contraintes et à la marge d'erreur possible si on fait mal ses calculs mais d'un autre côté, quand la magie est à ce point décortiquée et expliquée de manière à tenir debout, ne perd-on pas justement en magie?

Quoiqu'il en soit, Robert Jackson Bennett nous offre une aventure bien menée, nous plongeant d'entrée dans l'action, ne donnant que rarement l'occasion de reprendre son souffle tout en mêlant les explications nécessaires à la bonne compréhension de son univers. Les personnages se révèlent intéressants alors qu'on partait d'archétypes assez basiques: la jeune voleuse au passé douloureux, le capitaine de la garde droit dans ses bottes (on peut penser qu'ils sont fait à terme l'un pour l'autre mais l'auteur part dans une autre direction), le savant fou... Et une cité d'inspiration italienne où il ne fait pas franchement bon vivre avec ses grandes familles qui rivalisent d'ambition tandis que le gros de la population est dans la dèche, des tentatives de cambriolages audacieuses (on n'est pas loin de penser alors aux Salauds Gentilshommes de Scott Lynch) et une conclusion qui ferme l'intrigue principale tout en laissant deviner une menace plus vaste, des problèmes encore plus périlleux à venir pour Sancia et les compagnons qu'elle s'est faite en chemin.

Les Maîtres Enlumineurs est un premier tome de trilogie réussi, qui parvient à poser un univers sans tomber dans le travers du volume purement introductif à l'intrigue principale qui peine à démarrer car on est trop occupé à faire les présentations. Probablement pas aussi mirifique dans son système de magie qu'annoncé mais haletant sans qu'on frôle l'indigestion et posant des personnages que l'on prendra plaisir à revoir.