Revenu de la Grande Guerre, Eddie échoue à trouver un travail et doit se contenter de partager l'exploitation d'un taxi avec son colocataire Danny. La Prohibition le mène vers le trafic d'alcool, beaucoup plus rentable. Le speakeasy d'Eddie rencontre un succès fou mais les rivalités et la Crise de 1929 vont le conduire vers sa chute.

Lorsque arrive le moment de faire ma sélection pour le Noirvember Challenge, je consulte généralement des listes de recommandations de films noirs ou je m'en remets parfois au hasard des rayons de vendeurs de DVDs (de plus en plus d'occasion d'ailleurs). Il y a des fois où j'hésite, je ne sais pas si un film rentre bien dans le cadre mais il faut bien faire un choix. Dans le cas du film de Raoul Walsh la question était de savoir s'il s'agissait d'un pur film de gangsters ou si l'on pouvait le considérer comme un film noir car apparemment ce sont deux genres différents mais qui parfois se rencontrent et se mêlent. De manière qui me semble arbitraire. Tous les films noirs ne parlent pas de gangsters mais les gangsters y font tout de même des apparitions régulières, au premier ou au second plan. Néanmoins, des films comme Scarface, Le Petit César et L'Ennemi public ne sont généralement pas cités alors que L'Enfer est à lui, centré comme L'Ennemi public sur un gangster psychopathe joué par James Cagney, si. Voilà en tout cas un bien long paragraphe pour me demander si Les Fantastiques années 20 est un choix adéquat pour le Noirvember Challenge alors que je vais de toutes façons en parler dans le cadre du Noirvember Challenge et qu'est-ce que vous allez y faire, hein?

Au travers de ce qui semble être une nouvelle histoire de Rise and Fall d'un hors-la-loi, Walsh peint une fresque d'une décennie encore récente. La Seconde Guerre Mondiale est sur le point de commencer en Europe au moment du tournage et l'ouverture du film propose alors un petit retour en arrière pour montrer les suites de la guerre précédente, en forme d'avertissement. On suivra un vétéran abandonné à son retour aux États-Unis et qui va faire fortune dans le trafic suite à une loi qui aura plus fait pour la hausse de la criminalité que pour la baisse de l'alcoolisme. Du moins jusqu'à ce que la crise de 29 ne le rattrape et amorce sa chute. Ce scénario diverge sensiblement des trois films de gangsters fondateurs cités plus haut. Eddie a le coup de poing facile mais quand on fait sa connaissance dans les tranchés, c'est un brave type, plus simple que son jeune camarade Lloyd promis à la profession d'avocat mais sans malice, contrairement à son autre comparse George qui prend plaisir à abattre un ennemi de quinze ans et ne ressent aucun remord quand l'Armistice est annoncé deux secondes après. Il plonge dans la criminalité par nécessité et ne chute pas tant par la faute d'une tare interne mais suite à une crise économique, avant de chercher une forme de rédemption.

Eddie n'en reste pas moins un gangster et le film ne manque pas de fusillades, de plongées dans l'univers des speakeasies, celui d'Eddie étant plutôt classe dans le genre avec tenues de soirées et chanteuse de bon goût. Le héros forcément se compromet de plus en plus moralement: tout d'abord repoussant sa marraine de guerre quand il la rencontre enfin en chair et en os car il réalise qu'elle n'est qu'une innocente lycéenne, il va quelques années plus tard s'imaginer qu'elle lui est forcément destinée et difficilement admettre qu'elle lui préfère le plus stable et sage Lloyd. Le couple formé par Jean et Lloyd pourrait être parfaitement ennuyeux, les purs tourtereaux détonnant dans le corruption ambiante. Ils ne sont pas si lisses que cela: Jean est vite consciente du genre d'endroit où elle se produit mais apprécie le luxe et les cadeaux offerts par Eddie, Lloyd est avocat pour ses anciens frères d'armes qui ont mal tourné et traine toujours à leurs côtés même s'il ne se livre pas lui-même à une activité criminelle. Jean et Lloyd ne fuient ce monde que pour vivre ensemble loin d'Eddie, à qui ils devront pourtant leur salut final.

Raoul Walsh s'y entend toujours pour donner un dynamisme à ses scènes, du début dans les tranchés à l'affrontement final. C'est cependant James Cagney qui se taille ici la part du lion. Encore dans la peau d'un gangster, il se démarque du rôle de Tom Powers qui a fait sa gloire en campant un protagoniste plus ordinaire et sympathique, davantage entrainé par les circonstances que par sa soif de violence et de richesse. Humphrey Bogart, pas encore star lui-même et cantonné aux rôles de vilains est efficace dans celui de George, le camarade de régiment au mauvais fond qui s'épanouit dans l'illégalité et la trahison. Priscilla Lane hérite de ce qui pourrait être facilement vu comme le rôle de la cruche mais trouve un bon équilibre entre innocence et petits calculs tandis que Gladys George est parfaite en mauvaise fille au grand cœur. Jeffrey Lynn est probablement le moins bien servi dans le rôle de Lloyd, le garçon sage du trio qui va donc s'en sortir mais il manque de relief.

Classique en apparence, Les Fantastiques Années 20 se démarque des précédents films de gangsters par l'ambition de retracer une décennie d'Histoire des États-Unis, tout en offrant un personnage principal moins irrécupérable et condamnable que d'ordinaire.