Après avoir braqué une banque, des hors-la-loi fuient à travers le désert et échouent dans la ville fantôme de Yellow Sky, où ne vivent qu'un vieux prospecteur d'or et sa petite-fille.

Pendant longtemps, avant de voir les films, j'avais tendance à mélanger dans ma tête Le Trésor du Pendu et La Ville abandonnée, peut-être parce que Richard Widmark jouait dans les deux, qu'il était face à un acteur du type brun ténébreux dont je ne suis pas plus fan que cela et qu'une partie de l'action se déroulait dans une ville fantôme, en territoire hostile. Je ne risque plus de les confondre, malgré ces points communs, et pas seulement parce que le western de William A. Wellman est en noir et blanc et celui de John Sturges en technicolor. Une des différences notables entre les deux œuvres est le personnage féminin, assez effacé dans Le Trésor du Pendu mais mémorable dans La Ville abandonnée.

Anne Baxter campe "Mike", une jeune femme qui vit avec son grand-père et va vite montrer aux bandits qu'elle peut leur causer de sacrées difficultés et qu'elle n'est pas à bout de ressources. Quand celui qui est tout de même le héros du film, joué par Gregory Peck, la désarme, elle a tôt fait de le flanquer par terre et prouvera par la suite qu'elle est une fine gâchette. Pour un western qui date de 1948, ce n'est pas rien. Évidemment, la suite sera plus traditionnelle, les membres les plus sensibles à la rédemption de la bande pourront briller en la défendant quand un des plus irrécupérables va l'agresser mais c'est un plaisir de la voir aussi dégourdie.

La traversée du désert, et les tentations de Yellow Sky (Mike mais surtout l'or extrait de la mine) vont permettre aux membres du groupe d'évoluer ou de révéler leur vrai caractère. Certains se laissent juste mener, pour le meilleur ou le pire, Dawson, le protagoniste, va faire preuve d'une loyauté bien enfouie tandis que Richard Widmark très en forme en ancien joueur professionnel (il faut toujours se méfier des personnages plus élégants que les autres dans les westerns) et John Russell (le Nathan Burdett de Rio Bravo, bien jeune et déjà une mauvaise graine) vont au contraire faire du grabuge.

La Ville abandonnée réserve quelques surprises, comme des Apaches qui ne sont pas la menace habituelle venue offrir au spectateur son content de fusillades, ou des séquences intéressantes: un plan à travers le canon d'une carabine, bien avant les "gunbarrel sequences" de James Bond, ou le duel final hors champs, l'arrivée de Mike après la bataille nous laissant découvrir avec elle qui s'en est sorti.

En partant d'un point de départ somme toute classique qui n'est pas sans rappeler Le Fils du Désert, ce joli western offre un huis-clos tendu qui recèle plus de trouvailles qu'on aurait pu l'imaginer au départ.