À la tête de son régiment, Cérès Orkatz a pour mission d'assurer l'ordre dans la Péninsule de la Lune d'Or, conquise par le royaume du Coronado. Une tâche compliquée quand la colonie semble loin des pensées de la métropole qui n'envoie pas de renforts et que l'Empire du Léopard qui pourrait donner accès à des terres plus fertiles continue de résister aux envahisseurs. Jusqu'au jour où un message de l'Empire au Vice-Roi de la Colonie laisse envisager un moyen de débloquer la situation.

On ne peut pas dire qu'Emmanuel Chastellière chôme puisque après un court premier roman, Le Village, paru en 2016, il a enchaîné l'année suivante avec un recueil de nouvelles et voici maintenant un nouveau roman, bien épais ce coup-ci.

L'univers proposé est séduisant, évoquant notamment la conquête de l'Amérique latine par les Espagnols, avec une petite touche de L'Homme qui voulut être Roi pour l'ambition de certains personnages, le royaume mystérieux perdu dans les montagnes et la technologie qui correspond davantage au XIXe siècle qu'au XVIe.

L'intrigue prend son temps pour se mettre en place. Il faut dire qu'il y a un bon lot de personnages à présenter, sans parler du contexte politique. Celui-ci n'est d'ailleurs pas simpliste, avec des protagonistes souvent pris entre deux feux: les colons qui sont à la fois des envahisseurs à la conduite souvent brutale vis-à-vis des Indigènes et des gens eux aussi laissés pour compte par le pouvoir en place, par exemple. Camellia a également un rôle intéressant, ayant échappée à un sacrifice par son peuple grâce à l'intervention de Cérès mais marginale dans le régiment qu'elle a intégré. Même l'Empire du Léopard, puissant en apparence, n'est pas autant en position de force qu'on pourrait le penser, et sa famille dirigeante doit aussi choisir la meilleure manière de préserver son avenir.

On pourrait donc reprocher au roman un début un peu lent, avant qu'au deux-tiers du livre un tournant dans l'intrigue débouche sur un dernier acte haletant. On pourrait aussi remarquer que si les clins d’œil à d'autres œuvres sont amusants, ils ne sont pas toujours très subtils. Néanmoins, les personnages principaux sont charismatiques à l'image de Cérès, ou quand ils ne le sont pas réservent tout de même quelques surprises, comme le vice-roi qui aurait facilement pu se cantonner à un rôle de boulet incompétent mais ne l'est pas, le monde dépeint est riche et on aimerait d'ailleurs le voir davantage exploité (il y a du potentiel dans tout ce qui est magie/religion) et on est emporté dans cette aventure qui ne va laisser personne indemne.