La jeune cantatrice Teresa Babucci est indignée par les ragots qui courent à la mort de son ancien et estimé professeur, Antonio Salieri, selon lesquels il se serait accusé d'avoir empoisonné Mozart. Franz Schubert, qui fut aussi l'élève du compositeur, la persuade de l'aider à laver la mémoire de leur maître mais en posant d'innocentes questions ici et là, les deux jeunes gens attirent l'attention d'individus menaçants. Teresa va devoir se méfier de tout le monde et revenir sur sa propre histoire pour élucider comprendre où elle a mis les pieds.

On ne compte plus les romans policiers, quand ce ne sont pas des séries entières, centrés sur un personnage historique résolvant des crimes. Les choix de ces personnalités sont parfois incongrus (Elizabeth II!), souvent amusants. Christine Féret-Fleury ne s'inscrit pourtant pas dans cette lignée. Si vous vous attendez à voir Schubert jouer les Sherlock Holmes, vous en serez pour vos frais. Le pauvre garçon avait bien des qualités mais n'était probablement pas taillé pour confondre des malfaiteurs et la romancière en est bien consciente qui l'escamote dès le premier tiers du récit. De même, les aveux supposés d'un Salieri sur le trépas prématuré de son célébrissime collègue sont un point de départ sur lequel elle brode mais il ne s'agira pas là d'élucider les raisons de la mort de Mozart (il faut se faire une raison, les hommes hors du commun n'ont pas automatiquement une mort hors du commun): la culpabilité du compositeur italien à laquelle les protagonistes ne croient pas une seconde est vite écartée, on insiste au contraire pour remettre quelques pendules à l'heure quant à leurs relations lors d'une visite à la veuve de Wolfgang. De plus, si l'on peut craindre d'échanger une légende urbaine contre une autre, on a encore une fausse piste.

Cependant, la base n'est pas mauvaise pour introduire le personnage principal, la jeune Teresa, une cantatrice malvoyante, héroïne improbable qui se retrouve impliquée plus profondément qu'elle ne le pense dans une sombre histoire d'espionnage. De ce côté-là, l'histoire est bien menée et tient en haleine au prix de coïncidences que n'auraient pas renié Dickens ou Dumas. Teresa est attachante tout en se montrant parfois dure, avec une relation très ambivalente avec sa gouvernante qui la sert tout en se servant d'elle pour son propre confort. Le rapport avec Salieri sent tout de même dans les dernières pages le raccrochage aux branches pour justifier qu'il en soit question mais hors les ragots de bas étages considérés comme tels, c'est une image de lui positive qui en ressort (à l'heure à laquelle une mini-série Amadeus est en chantier où l'on ne sait pas trop à quelle sauce il risque d'y être mangé, c'est toujours bon à prendre).

Christine Feret-Fleury a une jolie plume qui nous guide dans ce court roman qui s'éloigne vite de son mystère-de-départ-qui-n'en-est-pas-un jusqu'à une conclusion rapide et un poil capillotractée qui ne tempère pas trop le bon moment de lecture qui a précédé.