Isla Nublar est sur le point d'être ravagée par une éruption volcanique. Désireuse de sauver les dinosaures qui y vivent désormais en toute liberté, Claire Dearing accepte l'offre d'un ancien collègue de John Hammond d'aller récupérer quelques spécimens, dont Blue. Pour se faire, Claire embarque Owen Grady dans ses bagages.
Un des grands sujets des films
Jurassic Park/World, au-delà évidemment de voir des dinosaures batifoler et manger des gens, est l'irresponsabilité . L'ennui, c'est que passé le premier opus, ce manque de responsabilité est de plus en plus répandu, de moins en moins crédible, avec un côté "deux poids, deux mesures" agaçant. Dans le film original, l'inconscience de Hammond était justement pointée du doigt par Grant, Ellie et Malcolm, et la suite des événements leur donnait raison. Hammond s'en sortait à bon compte, parce que Spielberg, contrairement à Crichton dans son roman, a rendu le personnage sympathique, voyant sans doute en lui un double de lui-même désireux de faire partager ses rêves les plus fous au monde plutôt qu'un businessman n'ayant que le profit en tête.
Après cela, les prétextes pour justifier des suites sont devenus de plus en plus fins, et la conduite des personnages de plus en plus aberrante. On peut distinguer deux catégories principales: les méchants, qui vont faire absolument n'importe quoi au nom du fric: ramener des dinosaures sur le continent pour y ouvrir un parc alors que sur une île ça a déjà viré à la catastrophe avant même l'ouverture, vouloir faire de raptors des chiens de guerre, créer une toute nouvelle espèce hyper-dangereuse après que le précédent dinosaure assemblé de toutes pièces ait dépassé ses créateurs... Puisque ces méchants sont méchants et que l'avidité doit être punie, ils le sont, généralement dans les mises à mort les plus gratinés. Ce n'est pas subtil mais admettons, après tout c'est leur fonction en tant que personnages. Mais ensuite, vient l'irresponsabilité totale des protagonistes, et c'est là que le bat blesse. Les choses ont commencé à se gâter dès
Le Monde Perdu avec Sarah et Nick: et que je m'en vais sur une île remplie de dinosaures pour les prendre en photos sans la moindre précaution, et que je ramène un bébé T-Rex blessé au camp pour le soigner sans réfléchir au fait que les parents T-Rex pourraient mal le prendre, causant au passage la mort d'un membre de sa bande et qu'ensuite, je décharge le fusil du chasseur alors que cela pourrait être utile d'être armé en cas d'attaque, d'autant qu'il y a une gamine dans le groupe... Ces personnages sont d'une inconscience coupable, mais comme ils sont étiqueté "gentils amis des bêtes", ils ne se remettront jamais en question, survivront et ne seront pas confrontés aux conséquences de leurs actes.
Jurassic Park III, maintenant: les Kirby engagent des gens sous un faux prétexte en leur faisant miroiter une récompense qu'ils ne sont pas en mesure de payer pour sauver leur gamin. Si leur motivation est compréhensible, reste qu'ils sont responsables de la mort et de la mise en danger de plusieurs personnes sur la base d'un mensonge et en sont juste quitte pour une bonne frayeur: leur couple se reforme et leur petite unité familiale est préservée, ça justifie bien d'avoir du sang sur les mains!
Quant à Claire Dearing, on y vient, elle a eu beau se démener dans
Jurassic World pour sauver les meubles après l'évasion de l'Indominus Rex, elle aurait tout de même dû se retrouver en taule pour sa participation dans sa création. La suite établit que ce n'est pas le cas et la voilà donc de retour en quête de rédemption... car elle se sent coupable vis-à-vis des dinosaures qu'elle a exploité, mais pas des visiteurs du parc qui se sont fait bouloter.
Jurassic World: Fallen Kingdom pousse les curseurs de la connerie des personnages à son maximum: les méchants n'ont jamais été aussi outranciers et fourbes (la raison de l'évasion de l'Indoraptor, misère...), mais surtout complètement débiles (doit-on, cela dit, s'étonner du fait qu'une association entre le fils de Peter Pettigrew et Dobby parte dans les chapeaux de paille?), et les gentils ne sont pas en reste. Le point de départ lui-même est bancal (pourquoi sauver une espèce qui n'aurait jamais dû exister à notre époque d'une catastrophe naturelle? Quand on montre le porte-parole du gouvernement déclarer à la télé que c'est une affaire privée et qu'ils ne s'en mêleront pas, un spectateur derrière moi a murmuré "il a raison" et ça illustre bien le problème. Du coup, on a du mal à être derrière les protagonistes. Le couple Claire/Owen est reparti à la case départ et est complètement fade, Franklin est un sidekick nerd comme on espérait ne plus en voir, Zia est insupportable, finalement c'est encore Maisie qui s'en sort le mieux... jusqu'à la toute fin, où elle n'est même pas privée de dessert pour un acte qui va avoir des répercussions sur la vie des gens et tout un écosystème. Mais ce sont les "gentils", ils sont plein de bonnes intentions, donc tout va bien.
Alors naufrage total, ce
Jurassic World: Fallen Kingdom? Non, grâce au réalisateur, J.A. Bayona. Je dois préciser tout de même que même s'il y a des points très critiquables dans
Jurassic World (et qui ont été très critiqués), je ne fais pas partie des gens qui ont détesté ce film, j'avais passé un bon moment à voir ce que j'étais venue voir, des dinosaures manger des gens. Mais Bayona est bien plus talentueux que Trevorrow et il parvient par moment à transcender la débilité du scénario que ce dernier lui a refourgué. La scène d'ouverture est remarquable, notamment dans sa gestion de l'apparition des prédateurs, il y a un côté poignant dans la scène du brachiosaure sur le quai, certaines morts sont jouissives à regarder (comme mentionnée plus haut, la raison de l'évasion de l'Indoraptor est crétinissime, mais sa mise en scène est amusante) et il tire habilement parti de son décor de manoir gothique dans le dernier tiers. Il ne parvient pas à rendre les personnages moins agaçants qu'ils ne le sont, on pourra s'interroger sur le rôle que tiennent désormais les prédateurs préhistoriques dans la franchise (le seul humain "gentil" à être tué l'est... par un autre humain), le T-Rex et le Raptor ne s'en prennent qu'à des méchants ou d'autres prédateurs, mais Bayona élève vers le haut ce qui aurait pu devenir un véritable accident industriel.
Cela ne masque pas que l'on a totalement franchi la ligne rouge de la débilité, mais le temps de quelques scènes, Bayona parvient à nous le faire oublier et on a l'illusion d'être devant un divertissement correct avant que les actions d'un personnage nous rappellent brutalement à la réalité. Un tour de force presque aussi impressionnant que faire revivre un dinosaure.