Alors que Jurassic World, parc où l'on peut voir des dinosaures en vie, reçoit des milliers de visiteurs chaque jour et a l'air florissant, la direction s'inquiète de la lassitude du public. Un tout nouveau dinosaure a donc était élaboré. Pas question cette fois-ci de se contenter de ressusciter une espèce ayant existé, non, on va créer une nouvelle espèce, la plus mortelle possible. Ça ne peut pas mal tourner.
Je parlais dans l'article sur Christopher Lee du fait que
Gremlins 2 avait fait date dans mon enfance comme le premier film que j'avais arrêté avant la fin, terrorisée.
Jurassic Park marque ma première grande frousse dans une salle de cinéma, plus ou moins à la même période. Pendant des années, j'étais une passionnée de dinosaures, et à 10 ans, un film de Spielberg avec des effets spéciaux révolutionnaires les mettant en scène ne pouvait que me plaire. Tout se passait bien, l'émerveillement devant les brachiosaures et la tension de la première apparition du T-Rex faisaient leur effet. Jusqu'à l'apparition du dilophosaure déployant sa collerette et crachant son venin sur le traitre Nedry. Le T-Rex balançant un gigot sur la vitre de la voiture des mioches et boulottant un avocat ne m'avait pas fait peur: je savais qu'on verrait des gens se faire dévorer par un T-Rex. Mais un dinosaure qui crache du venin et aveugle ses proies, ce n'était pas dans le contrat. Certes, l'info sur les capacités de ce dinosaure était placée plus tôt dans le film, mais ce fut un choc et je cachais mes yeux au moment de la mise à mort. À partir de ce moment j'étais régulièrement prise d'une terreur intense et finalement, le T-Rex était le plus rassurant de la bande. Il était simple, sans le côté vicieux des raptors et du dilophosaure. Pendant la séance, j'étais persuadée de passer le pire moment de ma vie. Le film avait commencé par tenir ses promesses, des dinosaures superbes, une musique entraînante, un paléontologue cool et puis patatras, je n'avais pas signé pour avoir peur et pourtant j'étais planquée sur mon siège tandis qu'un gamin deux fois plus jeune que moi y donnait des coups de pied en riant devant le spectacle qui se déroulait à l'écran, pas plus perturbé que ça.
Mais une fois sortie de la salle, remise de mes émotions, c'était une autre histoire. J'avais vu un film qui faisait peur et j'avais survécu! Et j'allais pouvoir partager mon excitation avec le reste de la classe! Et quand le film passerait à la télé quelques années plus tard, je le reverrai sans ciller, fière cette fois-ci de surmonter mes peurs et de réaliser qu'en fait, les morts qui m'avaient tant impressionnées étaient hors-champs. Bien sûr,
Jurassic Park parait bien gentillet et cela en fera sans doute rire plus d'un de penser qu'on puisse le considérer comme un film de frousse. N'empêche qu'il m'avait flanquée la frousse et m'avait fait comprendre deux choses: qu'au cinéma, ce n'est pas forcément ce qu'on nous montre qui nous fait peur en général mais ce qu'on imagine qu'on va nous montrer. Je n'ai plus considéré
Jurassic Park comme un film effrayant à partir du moment où j'ai regardé toutes les scènes sans détourner la tête au moment fatidique. Le film était alors celui que j'avais voulu voir quand mon père m'a emmenée au cinéma; amusant, merveilleux, avec des morts violentes mais finalement inoffensif. Autre élément capital que ce film m'a fait comprendre, c'est qu'avoir peur devant un film, c'était bien. Pas forcément sur le moment, mais rien ne vaut la sensation d'arriver à la fin et de se dire qu'il ne nous est rien arrivé. Puis de revoir le film et d'avoir la fierté de ne pas être effrayée une deuxième fois.
J'ai vu le deuxième film au cinéma et j'ai aimé sur le moment sans qu'il me laisse un grand souvenir. Je l'ai revu à la télévision il y a environ un an et j'ai été frappée par le côté insupportable de la plupart des personnages côté héros et de leur irresponsabilité (thème récurrent dans la série). Reste Pete Postlewaithe (quand le chasseur de gros gibiers est le personnage le plus sympa, c'est que quelque chose cloche) et la scène de la caravane. J'ai découvert le troisième opus dans la foulée et en dehors de l'apparition du ptéranodon dans la brume, rien à sauver. Pire, si on a dans chaque film une cellule familiale qui se reconstitue d'une façon ou d'une autre, ici on est sensé applaudir au happy-end de parents divorcés qui se remettent ensemble sur les cadavres de gens victimes de leur inconséquence: peu importe qu'ils aient conduit des gens à leur mort sur un mensonge, ils ont sauvé leur couple en même temps que leur gamin et personne ne leur fera même un procès, apparemment.
Je n'attendais rien de ce nouvel opus. L'idée de voir des dinosaures sévir dans un parc en activité avait quelque chose d'alléchant. Mais le concept d'un super dino encore plus destructeur et de vélociraptors apprivoisés m'inquiétaient sérieusement. Le plaisir de la découverte n'y serait plus, il n'y aurait aucune révolution technique et même la peur ne serait pas au rendez-vous. Mais un film avec des dinosaures, d'un autre côté, comment résister? Le film a son lot de défauts, mais finalement c'est un spectacle correct. Les personnages, qui n'ont jamais été très profonds, sont des stéréotypes ambulants mais ne sont pas aussi crispants que ceux des deux opus précédents (dont l'existence n'est pas niée mais le film peut être vu comme une suite directe du premier, ce qui est aussi bien). Chris Pratt est trop cool, Bryce Dallas Howard complètement coincée avec une coiffure stricte et lisse qui commence à onduler et prendre du volume artistiquement dès qu'elle s'enlève le balais qu'elle a dans le fondement. Le reste est à l'avenant, chacun fait son job sans surprise, BD Wong revient (de façon amusante, son personnage meurt dans le livre mais il fait partie des personnages qui auront survécu à deux films de la franchise) et Michael Giacchino confirme qu'il remplit correctement les chaussures de John Williams sans rien apporter de plus cela dit. J'ai été surprise de voir Katie McGrath a l'écran et ravie de découvrir le sort particulièrement croquignolesque qui lui était réservé.
Finalement, l'Indominus-Rex passe bien et même le dressage des raptors n'est pas aussi craignos que prévu car leur dangerosité n'est pas oubliée, même si la vraisemblance n'est pas vraiment au rendez-vous. Les clins d’œil au premier opus servent l'histoire et ne se contentent pas d'être là pour le fanservice. Même le T-Rex, bien qu'il faille l'attendre, retrouve un peu de sa splendeur écornée dans le troisième film.
Dommage que le climax soit gâché in fine par des échanges de regards langoureux assez ridicules, je ne dirais pas entre qui mais seulement que quitte à montrer la nature reprendre ses droits autant aller jusqu'au bout plutôt que faire dans la niaiserie. De même, on peut regretter que le fait d'avoir un parc ouvert avec des milliers de visiteurs ne soit pas davantage exploité, film tout public oblige, même si on sent que le réalisateur a dû tenter d'aller au maximum des limites imposées. Même le côté méta facile (on ne peut plus jouer sur l'effet de découverte, le public est blasé dans on doit faire dans la surenchère au risque de tomber dans le n'importe quoi) n'est pas indigeste.
Jurassic World est un blockbuster estival tout ce qu'il y a de plus classique. Peut-être impressionnera-t-il une gamine de dix ans comme j'ai été impressionnée par
Jurassic Park il y a plus de vingt ans. Malheureusement pour moi, l'expérience
Jurassic Park ne se reproduira sans doute plus.