Le nom de James Fitzjames est associé pour toujours à l'expédition Franklin, mais il a néanmoins mené une vie bien remplie avant de disparaître corps et biens dans l'Arctique. Le cerner n'est pourtant pas chose aussi facile que l'on pourrait le penser, car le flou autour de ses origines et de certaines étapes de son parcours est presque aussi important que celui qui entoure son sort.

Bien que Fitzjames soit une personnalité inévitablement évoquée quand il est question de l'expédition Franklin, que ce soit dans des essais ou de la fiction, William Battersby est le premier à s'être lancé dans une véritable biographie du bonhomme, et a ainsi pu tordre le coup à quelques idées préconçues, en levant notamment le mystère sur les origines de son sujet, fils d'un dignitaire anglais et... d'on ne sait pas vraiment qui en particulier, à part qu'elle devait être au Brésil en même temps que le père de Fitjames. Une naissance illégitime qui va mener à quelques arrangements avec la réalité, arrangements que Fitjames va lui même cultiver une fois sa carrière dans la Royal Navy lancée.

L'auteur dresse le portrait d'un personnage haut-en-couleur, toujours prêt pour se lancer dans des aventures rocambolesques, mais pas forcément très avisé (garder dans sa cabine un guépard apprivoisé n'était peut-être pas l'idée du siècle, par exemple). On découvre également chez lui un goût prononcé pour le déguisement, que ce soit pour faire des blagues élaborées à ses collègues, jouer les acteurs amateurs ou voyager incognito. De là à supposer que cet intérêt et ce talent venaient d'un besoin apparu très tôt de cacher qui il était vraiment pour avancer dans le monde, il y a un pas que franchi allègrement Battersby, qui malgré un travail de recherches important ne peut pas lever le voile sur toutes les zones d'ombres du personnage: ainsi, le fait qu'il ait sauvé George Barrow d'une situation délicate à Singapour lui a immédiatement attiré les faveurs du père de ce dernier, sir John Barrow, ce qui explique qu'il ait été mis en avant quand il a été question de lancer une nouvelle expédition en Arctique, sans qu'on sache exactement de quoi il s'agissait.

On pourrait cependant reprocher à l'auteur de donner parfois l'impression de se mettre un peu trop en avant bien que l'on comprenne qu'il a du faire un sacré boulot pour découvrir pas mal d'éléments inédits, et donc une tendance peut-être involontaire à prendre de haut ses prédécesseurs dans la manière dont il dément leurs affirmations. De plus, il y a souvent une tentation pour les biographes de défendre leur sujet qui fait passer Fitzjames pour un peu trop idéal et minimise ses torts dans les décisions prises lors de son dernier voyage.

On a tout de même là une biographie solide et agréable à lire, d'autant plus qu'elle se penche sur une personnalité tout à fait romanesque qui ne se limitait pas à son sort tragique.