Alors que Voldemort raffermit son emprise sur la Grande-Bretagne davantage chaque jour, Harry est bien décidé à remplir la mission confiée par Dumbledore: retrouver et détruire les Horcruxes pour que son ennemi devienne à nouveau mortel. Loin de Poudlard et de ses repères, malgré l'aide de Ron et Hermione, Harry va avoir bien du mal à avancer dans sa quête avec les maigres informations dont ils disposent et les sbires de Voldemort à ses trousses.
Comment redécouvrir une adaptation dont la sortie au cinéma est encore relativement récente? Peut-être en la revoyant comme je ne l'avais jamais fait: comme un seul grand film et non deux demi-films séparés d'un intervalle de six mois. Et je dois dire que les quatre heures passent très facilement, nettement plus, en fait, que les 2h30 d'
Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé, qui risque du coup d'être un peu le maillon faible du marathon. J'étais dubitative à l'idée de diviser en deux parties l'adaptation du dernier tome même si cela a permis d'avoir davantage de temps pour développer l'intrigue. Néanmoins, pour moi il faut voir l'ensemble d'une traite, les deux parties y gagnent, la première conduisant naturellement à la seconde sans donner l'impression d'avoir un climax inférieur aux autres sans grande confrontation ou résolution, et la seconde ne donnant plus cette impression de petite remise en jambe du premier quart d'heure. Je regretterai toujours un petit peu, cependant, qu'on ait choisi de toujours se concentrer au maximum sur le trio aux dépends de ce qui peut se passer ailleurs au même moment, à Poudlard, par exemple. Le scénario souffre également de certaines ellipses ou véritables trous (que devient Queudver? Comment Rogue sait où Harry campe quand il doit lui porter l'épée?) tandis qu'à d'autres moments, il surligne un peu trop certains éléments pour être certain que le spectateur au fond de la salle à moitié endormi comprenne le message (Rogue ne se contente plus de demander à Harry de le regarder mais trouve le moyen de dire qu'il a les yeux de sa mère avant d'expirer, et dans les limbes, après avoir vu les souvenirs de son ancien professeur, Harry a encore besoin de s'étonner auprès de Dumbledore du fait que Rogue et sa mère ait eu le même Patronus - ce qui fait passer le héros pour un brin neuneu). Le film doit également faire avec les problèmes de scénario des précédents films qui se contentaient parfois de remettre à plus tard ou à jamais certains éléments: Bill est introduit à la hussarde, on ne cherche même pas à véritablement expliquer la fascination de Harry pour un bout de miroir qui a pourtant un rôle crucial, et on perd le côté asocial, perturbé et issu d'un foyer rempli de conflit du jeune Rogue qui va expliquer sa conduite. Si la séquence des souvenirs est d'ailleurs très émouvante (sympa de réutiliser
Dumbledore's Farewell d'ailleurs), il est dommage qu'on ne se soit pas montré plus vigilant: la prophétie qu'on entend étant celle de la fin du
Prisonnier d'Azkaban et non celle de
L'Ordre du Phénix que Rogue avait rapporté à Voldemort, enclenchant sans le vouloir la série d'événements que l'on sait. Enfin, s'il est louable d'évoquer le passé sombre de Dumbledore et de ne pas se contenter d'en faire un gentil mentor, le tout n'est pas exploité et les doutes de Harry à son sujet vite expédiés alors que c'était un des points forts du roman. Enfin, il y a un point que je continue de trouver déplaisant, et c'est peut-être la seule fois de toutes les adaptations que ce sentiment est présent (des trucs ratés, j'en ai trouvé, mais antipathique, c'est une première): quand McGonagall demande à Rusard de conduire tous les Serpentards au cachot alors qu'une bataille aura lieu incessamment à Poudlard. Non seulement l'idée de traiter une maison entière, y compris des pré-adolescents, comme des serviteurs de Voldemort est désagréable mais de la part d'un personnage présentée comme sévère mais ayant à cœur la sécurité des élèves, c'est difficile à croire. Si encore le but avait été de montrer qu'en temps de guerre, même les plus nobles peuvent s'abaisser par pragmatisme, cela aurait pu passer mais non, tout le monde trouve la décision normale. Plus tard lorsqu'on amène le corps de Harry dans la cour on peut toutefois apercevoir au moins un élève de Serpentard dans les rangs des combattants de Poudlard. Pas rancunier, le mec.
Malgré tout, le reste, et il est conséquent, fonctionne. Le trio n'a jamais été aussi bon. S'il s'était révélé jusque-là inégal d'un film sur l'autre, voire d'une scène sur l'autre, il n'y a pour ainsi dire aucune fausse note. Daniel Radcliffe porte bien le rôle, est capable de montrer par moment les côtés agaçants de son personnage en début de film quand il refuse tout aide tout en restant au final assez attachant et en montrant la maturité gagnée par Harry au fil de ses aventures. Emma Watson a l'occasion d'émouvoir enfin les spectateurs avec la petite intrigue relative au fait que Hermione a dû abandonner ses parents et effacer toute trace d'elle-même de leur vie pour les protéger, tout en restant le cerveau du groupe, mais avec suffisamment d'assurance pour ne plus éprouver le besoin de le faire remarquer aux autres. Quant à Rupert Grint, qui n'est jamais aussi bon que quand son personnage est montré sous un angle sérieux, il a l'occasion de montrer un aspect de Ron bien plus tourmenté que d'ordinaire. On pourrait souligner une outrance un peu déplacée quand il avertit ses camarades que Goyle a déclenché un incendie, mais franchement, ce serait pour chercher la petite bête. Quant aux autres, ils ont pour la plupart l'occasion de briller à un moment donné (ou on est juste content de les saluer une dernière fois), notamment Matthew Lewis en Neville ou les trois Malefoy, à la fois serviteurs en disgrâce essayant de retrouver les faveurs de leur maître tout en cherchant une échappatoire, quelle qu'elle soit, au pétrin dans lequel ils se sont fourrés. Leurs dernières scènes où Drago rejoint leur rang, non pas par désir de servir Voldemort mais pour être simplement réuni avec sa famille et leur abandon du champs de bataille après que le mage noir se soit encore révélé incapable de tuer son ennemi sur le papier beaucoup plus faible illustrent bien l'évolution et l’ambiguïté de cette famille qui de méchants lamdba ont su acquérir des nuances sans passer par une classique rédemption héroïque (position de toute façon déjà occupée à merveille par Rogue et dans une moindre mesure Regulus). Ralph Fiennes est peut-être celui qui s'en tire le moins bien, il faut dire que si son personnage est très puissant, il gagne à rester dans l'ombre car plus on en apprend sur lui, plus on découvre ses limites de gamin dans un corps d'adulte répétant sans cesse les mêmes erreurs. L'acteur semble d'ailleurs un peu trop conscient de cela au risque de ne pas aider son personnage en dissimulant son immaturité pathétique (son rire quand il annonce la mort de Harry, par exemple). Assez paradoxalement, il arrive à devenir impressionnant dans le combat final plus développé que dans le livre, où il était déjà battu et se prenant dans les dents un beau discours de Harry sur le thème de "pourquoi tu crains", sans pour autant le comprendre.
David Yates manque peut-être de talent pour mettre en scène les batailles de grande ampleur: les scènes d'actions de la première moitié sont parfois brouillonnes, ou abruptement achevées par un transplanage (mais on sent qu'il se fait plaisir à revisiter le Ministère de la Magie, lieu phare de son premier film). Dans la deuxième moitié, obligatoirement plus épique, il se révèle plus convaincant, mais pas forcément de la façon attendue. La fuite de Gringotts doit beaucoup au look très réussi du dragon maladif mais redoutable, et la bataille de Poudlard par l'émotion suscitée devant la destruction de décors familiers et le baroud d'honneur de personnages qu'on a suivi pendant plusieurs films, tout cela appuyée par une jolie musique d'Alexandre Desplat qui cite à l'occasion et à bon escient ses prédécesseurs. Si la réalisation, bien que très correcte, manque d'inspiration, le but est finalement atteint.
On sent que tout le monde a mis son maximum pour offrir un beau bouquet final à la saga quand
Le Prince de Sang-Mêlé laissait un sentiment de passage obligé (ou alors c'est juste moi qui fait de la projection). Si cela ne suffit pas et qu'il y aura toujours des éléments attristants difficiles à ignorer, comme avec les livres, l'émotion d'avoir vu les personnages grandir et surmonter des épreuves de plus en plus difficiles et d'avoir passé du bon temps avec eux est toujours présente et intact et donne à l'ensemble son cachet si particulier et attachant.
à 17:17