Le Ministère de la Magie ne peut plus ignorer le retour de Voldemort et celui-ci, du coup, ne se gêne plus pour agir ouvertement. Poudlard reste encore à l'abri de ses attaques grâce à la protection de Dumbledore, mais celui-ci s'affaiblit, se montre peut-être trop confiant envers la bonne volonté des habitants de l'école et le temps presse pour livrer à Harry tous les renseignements utiles pour vaincre Voldemort.
Soyons franche, ce n'était pas la partie de mon marathon que j'attendais avec le plus d'impatience. Pas parce que j'ai un mauvais souvenir du film. Si je ne l'ai sans doute pas revu en entier depuis sa sortie en dvd, je l'avais plutôt bien apprécié au cinéma, comme d'habitude. Mais voilà, une part de l'attrait que j'avais à revoir les Columbus ne tenait pas à leur qualité mais au fait de retrouver les acteurs minots, et un univers plus enfantin et innocent que j'avais un peu perdu de vue. Les acteurs désormais jeunes adultes et le Poudlard sinistre et dépouillé découvert il y a à peine quatre ans titillent beaucoup moins la fibre nostalgique, forcément. Il y a d'autres inconvénients qui tiennent au film lui-même, bien sûr.
C'est avec
La Coupe de Feu le livre le plus ardu à adapter, pour des raisons totalement différentes. Là où la difficulté de restituer en un long métrage le quatrième tome des aventures de Harry reposait sur la complexité et les nombreux rebondissements de l'intrigue, le sixième tome est un prologue au final, un livre de transition montrant le calme avant la tempête, où le héros est relativement à l'abri du danger jusque dans la dernière partie, et encore. Faire du quatrième film un ensemble fluide et cohérent était le défi à l'époque, faire du sixième film quelque chose de passionnant en était un autre et encore une fois, tout en reconnaissant la contrainte, le sentiment qui domine à la fin c'est "peut mieux faire".
Désormais, David Yates tient le rôle de réalisateur attitré jusqu'à la fin de la franchise mais ne réutilise pas certaines astuces de son précédent film, où il arrivait à injecter un certain dynamisme dans la prise de pouvoir d'Ombrage, la rébellion de l'AD et l'importance de la presse par un jeu habile de montage. Ici les scènes s'enchaînent de façon classique, le rythme reste lent. Du coup, le fait qu'il s'agit d'une année de répit ressort bien au risque de rendre le film languissant, mais surtout d'oublier la menace extérieure. Certaines scènes sont là pour le rappeler comme l'ouverture à Londres, l'attaque du Terrier (qui a fait hurler les puristes mais qui a au moins le mérite de mettre un peu Harry en danger en milieu de film et de rappeler qu'en dehors de Poudlard, aucun lieu n'est complètement sûr), des Mangemorts se cognant à la barrière protectrice de l'école, des Aurors brièvement aperçus, la une de la Gazette mentionnant des disparitions... Oui, il y a ces éléments mais à côté de cela on ne sent jamais que les élèves sont affectés par ce qui se passe à l'extérieur. En montrer effondrés après avoir reçus de mauvaises nouvelles, par exemple, aurait été un moyen simple d'illustrer qu'il y a une guerre en cours.
L'autre inconvénient c'est qu'aucune des sous-intrigues, pendant la majeure partie du film, ne met en valeur l'héroïsme des personnages ou n'offre de passages à la fois spectaculaire et qui font avancer l'histoire. Un film de fantasy n'a pas forcément à être un film d'action avec une débauche d'effets spéciaux, mais on peut faire dans l'intimiste tout en maintenant l'intérêt. Ce n'est pas évident avec le livre à la base: Harry se fait expliquer le passé de Voldemort, mais il reste globalement passif, la seule fois où il joue un rôle est quand il parvient à extorquer un souvenir à Slughorn. Harry se doute que Malefoy mijote quelque chose, mais il n'a aucun impact sur la résolution de cette sous-intrigue là non plus, qui se joue sans lui à un point qu'il ne découvrira qu'au tome suivant. Harry découvre dans un livre les annotations du Prince de Sang-Mêlé, mais le voir lire puis tester des sorts n'est pas vraiment stimulant à illustrer et l'intérêt de ces péripéties se situe ailleurs. On a beaucoup reproché au film de mettre la romance en avant, mais c'était déjà le cas du livre, Rowling semblant décidée à se débarrasser du gros de l'aspect sentimental de la vie de ses adolescents de héros pour se concentrer sur des enjeux un peu plus ambitieux dans le dernier tome. Le livre s'en sortait parce qu'un des charmes de la saga repose dans les détails. Explorer la psychologie de Voldemort était intéressant parce qu'on pouvait se permettre d'y passer du temps. Dans un film, on ne peut pas palabrer autant sur le fonctionnement de sa cervelle de sociopathe, et on se concentre sur l'essentiel. Si l'on va plus droit au but, les plongées dans le passé du mage noir sont purement fonctionnelles.
Du côté du livre du Prince, c'est sans doute là que le scénariste aurait pu améliorer les choses. Certes, il est difficile de rendre cette intrigue visuellement attrayante, mais après avoir beaucoup insisté sur le livre et l'intérêt que lui porte Harry, on l'oublie jusqu'à l'épisode du sectumsempra. Si Harry trouve une utilité certaine au livre, il ne montre aucune curiosité quant à l'identité du Prince mais pire, aucune admiration vis-à-vis de lui. Un mec a eu le bon goût d'annoter son manuel scolaire dans le passé, merci mon con, bien aimable. Du coup, quand Rogue révèle qu'il est le Prince à la fin, cela tombe à plat, non pas parce que le choix d'interprétation est différent de la façon dont c'est amené dans le livre (où Rogue est beaucoup moins calme) mais parce qu'on ne perçoit pas l'horrible sentiment de trahison que ressent Harry: on sait déjà que Harry n'aime pas Rogue, certes, et Rogue apparait déjà comme un traitre à ce moment, mais toute l'ironie du roman et l'horreur éprouvé par le héros à ce stade vient du fait que Harry a toujours été rétif à l'enseignement direct de Rogue, et carrément réfractaire à celui-ci dans les tomes 5 et 6, tandis qu'il a appris énormément du Prince. Une ou deux scènes montrant Harry qualifier le Prince de génie et prenant sa défense face à une Hermione pointant du doigt l'aspect déplaisant de certains sortilèges auraient donné l'impact qui manque à cette sous-intrigue.
La sous-intrigue avec Drago est nettement plus satisfaisante. On découvre bien plus vite son plan puisqu'on voit les différentes étapes de la réparation de l'armoire et on comprend aussi qui est visé, mais au moins cela met en avant Tom Felton, qui depuis deux ou trois films se contentaient d'une poignée de scènes le cantonnant dans un seul registre. Son personnage évolue durant ce film pour se retrouver en difficulté, en partie par sa faute certes, mais on quitte la petite brute s'amusant à rabaisser les autres pour découvrir un garçon qui a mis le doigt dans quelque chose qui le dépasse et, passée la fierté d'avoir été choisi pour une grande mission, ne sait plus comment se dépêtrer de sa situation.
Et donc il y a la romance. Personnellement, je peux comprendre que l'accent ait été mis dessus en dépit du reste car c'est la partie de l'histoire où les personnages principaux sont plus acteurs que spectateurs. De plus, les livres comme les films, même s'ils ne nient pas la sincérité des sentiments des protagonistes, n'essaient pas de nous faire croire qu'il s'agit de la plus grande histoire d'amour contrarié de tous les temps, contrairement à d'autres cycles visant un public adolescent. Non que le grand amour passionnel capable de déplacer des montagnes soit ignoré mais pas au travers des problèmes de couple du trio. C'est cependant inégalement mis en scène. Quand il s'agit de traiter la maladresse et la confusion d'ados aux hormones en effervescence de façon légère, cela marche plutôt bien, notamment grâce à l'abattage de Jessie Cave en Lavande Brown et de Rupert Grint qui a enfin réussi à trouver le bon tempo comique. C'est beaucoup moins heureux concernant le cas Harry/Ginny, car Kloves et Yates essaient de rendre leur love-story délicate et sensible, et c'est au mieux plat, au pire... On a la tristement célèbre scène du lacet, ou comment plomber son film en dix secondes chrono. Un des écueils majeurs est que les livres restaient déjà assez soft dans la description des amours adolescentes (pas que Rowling voit cette période avec des lunettes roses, il suffit de lire
The Casual Vacancy pour s'en convaincre) mais l'auteur arrivait souvent à faire des sous-entendus ou laisser l'imagination des lecteurs remplir les blancs. Dans le film, Ron et Harry paraissent invraisemblablement prudes, leur conversation entre mecs se limitant à des remarques sur le teint de la demoiselle de leurs pensées. Ouch.
Est-ce que tout est à jeter, pour autant? Non. Jim Broadbent est un magnifique Horace Slughorn, Jessie Cave et Freddie Stroma apportent une dose d'humour bienvenue et la dernière demi-heure offre de bons moments, tempérée, comme signalé plus haut, par l'échec à rendre la révélation de l'identité du Prince bouleversante. Certains acteurs comme Tom Felton ont davantage l'occasion de tirer leur épingle du jeu que précédemment, Emma Watson gagne en sobriété. Du trio, seul Daniel Radcliffe, cette fois-ci semble un peu en deçà, en pilotage automatique sauf quand certaines scènes le sollicitent vraiment (dans la grotte ou à la mort de Dumbledore) ou lui donne l'occasion de jouer sur un autre registre que d'habitude (les effets du Felix Felicis, qui permettent à Rupert Grint de ne pas être le seul à avoir l'air d'un ahuri sous substances). La partition sous-estimée de Nicholas Hooper, discrète, offre cependant de bons moments (je crois que j'ai seulement réalisé hier soir que la musique lors du baiser entre Harry et Ginny était intradiégétique... et joué par la harpe qui a probablement servi à ensorceler Touffu dans le premier film).
Le film n'est pas fondamentalement mauvais ni même déplaisant à revoir mais il ressemble trop à une formalité à remplir avant de s'attaquer au grand final et donne l'impression un peu étrange que si tout le monde a fait le taf, une bonne partie de l'équipe le faisait par automatisme et passe encore une fois à côté de l'occasion d'améliorer certains aspects ici et là.
à 13:00