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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Dalton Trumbo
En pleine Guerre Froide, Dalton Trumbo, un des scénaristes les plus en vue de Hollywood, ne cache pas ses sympathies communistes. Cela lui vaut de comparaître devant la Commission des Activités anti-américaines auprès de laquelle il refuse farouchement de justifier des opinions qui selon la Constitution ne sont pas illégales. Condamné à une peine de prison puis placé sur liste noire et inemployable, Trumbo, avec l'appui de sa famille et de quelques alliés de choix, va s'efforcer de se faire entendre et continuer d'exercer son art.

Besoin de reconnaissance critique, conscience qu'il est plus facile d'émouvoir que de faire rire ou envie de changer d'horizon, certains réalisateurs de bonnes grosses comédies populaires américaines se sont tournés vers des films plus dramatiques et plus oscarisables. Peter Farrelly a pour un temps du moins laissé son frère de côté pour réaliser Green Book, Todd Phillips de la saga Very Bad Trip a fait parler de lui avec Joker et plus discrètement, celui qui nous intéresse ici, Jay Roach, derrière la caméra des Austin Powers et autres Mon Beau-Père et Moi s'est lancé dans le genre du film politique. Dalton Trumbo a sur le papier et en définitive tout du long-métrage formaté et vénérable: une personnalité réelle, un sujet fort et qui en plus concerne Hollywood, un acteur principal dont le talent n'est plus à démontrer, et quelques seconds rôles de choix... Toutes les cases sont cochées, il n'y a plus qu'à mettre tout en boite de manière soignée mais pas trop inventive, ça risquerait de déstabiliser, et roule ma poule.

Et ça fonctionne très bien. Les films sur la Chasse aux Sorcières ne sont pas si nombreux que cela, on aborde une période peu glorieuse de l'Histoire de Hollywood qui permet, incarnées par des acteurs ou à travers des images d'archives (coucou Robert Taylor je t'ai toujours trouvé l'air faux-jeton), d'entrevoir le rôle qu'ont pu jouer des personnalités que l'on ne connait généralement qu'à travers leur carrière cinématographique. Il y a les farouches anti-communistes représentés par John Wayne dont le patriotisme semble surcompenser son absence d'engagement sous les drapeaux durant la guerre et Hedda Hopper (Helen Mirren, qui s'amuse visiblement à être venimeuse à souhait sous des chapeaux extravagants) ancienne actrice reconvertie en échotière. Les victimes du Maccarthysme, menacées d'infamie et qui tentent d'obtenir gain de cause, comme Trumbo et sa clique de scénaristes. Et entre les deux, les alliés qui vont craquer sous la pression comme Edward G. Robinson ou les opportunistes comme Buddy Ross (mélange de deux producteurs différents) qui rejette publiquement Trumbo tout en souhaitant l'engager à bas prix sous pseudonyme quand il a besoin de lui pour sauver sa boîte.

Comme toujours avec les biopics, il ne faut pas tout prendre pour argent-comptant, la nécessité de ne pas trop coller à la réalité et tous ses détails à en devenir indigeste faisant loi, il y a donc quelques raccourcis, quelques non-dits (Elia Kazan n'est pas mentionné, le personnage de Robinson symbolisant ceux qui ont vendu les copains pour sauver leur peau) mais dans l'ensemble, le scénario se montre didactique sans être trop lourd, bien qu'il soit très balisé, y compris dans le ton adopté: la première partie est de plus en plus tendue alors que l'étau se resserre sur Trumbo jusqu'à l'humiliante incarcération, puis l'ambiance devient plus légère quand on assiste aux combines du scénariste et de ses collègues pour écrire sous pseudonyme sans se faire griller, au service des frères King (dont un savoureux John Goodman), producteurs de films bon marché sans grandes ambitions artistiques avant de redevenir plus grave (tout ce cirque pèse sur Trumbo et par conséquence sur sa famille) jusqu'à l'espoir de réhabilitation apporté par Kirk Douglas et Otto Preminger qui va payer.

Dans le rôle principal, Bryan Cranston est aussi bon qu'on peut s'y attendre de sa part bien que par moment, on sent un peu le gars conscient qu'il tient un rôle à Oscar. Pas dans le sens où il l'a forcément accepté dans l'espoir de ramener une statuette mais on n'est pas loin du cabotinage. Le caractère du protagoniste s'y prête, cela dit, on loue son courage et sa détermination mais on ne cache pas ses traits plus agaçants, le décalage entre ses positions et son mode de vie est souligné, tout comme le fait que son engagement a des conséquences douloureuses sur ses proches qui après tout n'ont pas signé pour tout ça et aimeraient parfois vivre leur propre vie sans pour autant l'abandonner à son sort. Diane Lane écope sans doute du rôle le plus ingrat, celui de l'épouse dévouée capable de recadrer son génial époux au besoin mais qui peine à exister au-delà d'être la figure raisonnable et digne d'admiration. David James Elliott, Michael Stuhlbarg et Dean O'Gorman ont pour leur part la tâche ardue d'incarner en peu de scènes des acteurs dont le visage est durablement imprimé dans l'esprit des spectateurs, respectivement John Wayne, Edward G. Robinson et Kirk Douglas. Le deuxième, hasard des emprunts à la bibliothèque, n'est pas aidé par le fait que j'ai vu le même jour un film avec le vrai Robinson. Cependant, passé un petit moment de flottement ("vous, monsieur, n'êtes pas John Wayne" se dit-on à la première apparition de "Duke"), ils relèvent bravement le défi.

Dalton Trumbo est un biopic efficace, porté par de bons acteurs, qui aborde un thème intéressant et si l'on ne connait pas déjà la période par cœur, se révèle fort instructif (avec les vérifications d'usage à effectuer après coup, bien entendu). Peut-être un peu trop lisse et carré pour vraiment surprendre et enthousiasmer mais un bon film qui fait son office.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 5 Septembre 2021, 17:34bouillonnant dans le chaudron "Films".