À la mort de son père, Henrietta Fine abandonne le lycée pour devenir apprentie-serrurière. Son habileté lui vaut d'assister le grand Harry Houdini lors d'une représentation dans la villa d'un riche trafiquant d'alcool. Henrietta se retrouve alors malgré elle prise dans une sombre histoire de diamants volés convoités par les gangsters les plus redoutables de la Côte Est.

Chin Music partait avec des éléments qui avaient tout pour plaire: une jeune héroïne dégourdie et forte tête qui doit mener sa barque durant les Années Folles, rencontrant au cour de ses aventures plusieurs célébrités de l'époque, du bon et du mauvais côté de la loi: Harry Houdini, Clara Bow, Fiztgerald, mais aussi Arnold Rothstein, Joe Masseria et un jeune Sal Zucania (que vous connaissez probablement mieux sous le nom de Zucky Zuciano?). À l'arrivée, le résultat n'est pas tout à fait convaincant ce qui ne veut pas dire que l'on ne s'est pas amusé en route.

Au rayon des bonnes nouvelles, c'est que le roman de Paul M. Levitt est généreux en péripéties. Élevée par des parents aimants immigrés de Pologne mais qui ont su atteindre une situation aisée, Henrietta n'a pour soucis que des professeurs sans fantaisie et un physique qu'elle juge ingrat. Tout change après la maladie de son père et la ruine de sa famille mais quelques contacts lui valent de trouver un travail qui lui plait. Son existence prend un tour échevelé après une descente de police lors d'une fête chez un certain Hank Rodman, avec qui Henrietta sympathise ainsi qu'avec sa maîtresse Lily, et on s'aperçoit vite que Hank et Lily vont nous rejouer Gatsby le Magnifique ou à en croire ce roman, l'inspirer. Plus important, accusée de vol de diamants, Henrietta va être innocentée avec l'aide du gangster Arnold Rothstein mais si ce dernier semble la trouver sympathique, il ne fait pas dans la philanthropie et a une idée derrière la tête. Après quoi s'ensuivent moultes aventures, certaines ayant un rapport avec les diamants, d'autres avec les amours contrariés de Hank et Lily, mais on croise aussi des escrocs spirites, une anarchiste, des membres du Ku Klux Klan... Le programme est lourd et tout n'est pas du même niveau d'intérêt donc on peut trouver que certains passages sont des digressions longuettes. Quant à l'intrigue sur les diamants, on se perd dans qui a les vrais et d'où viennent les faux et au moment où on nous explique enfin tout, la lassitude s'est déjà trop installée pour être vraiment épaté par cette histoire alambiquée qui implique beaucoup trop de monde (on mentionne même Maranzano à la fin entre la poire et le fromage, comme s'ils devaient tous être nommés).

Reste qu'Henrietta est un personnage plaisant à suivre et qu'on s'amuse du portrait de la plupart des personnalités qu'elle en vient à croiser. Levitt a dû potasser la biographie écrite par Leo Katcher sur Rothstein car on retrouve dans le roman pas mal de petites informations et anecdotes qui permettent d'étoffer le personnage, dont le portrait est savoureux et finalement plus pathétique que terrifiant même si Henrietta rappelle régulièrement qu'il ne fait pas bon d'être sa débitrice et qu'elle doit la jouer fine dans les dernières pages pour voler de ses propres ailes. Si "Zucania" peut paraître trop gentil lors de ses premières apparitions, tout du moins quand il est en compagnie de Joe Masseria ce qui relativiste les choses, il se révèle particulièrement atroce par la suite. Encore une fois, on est prié de suspendre son incrédulité quand notre vaillante protagoniste le confronte dans le dernier chapitre.

Pas toujours très maitrisé et usant d'un fil rouge fort emmêlé, Chin Music vaut surtout le détour si l'on aime les histoire de jeune fille débrouillarde affrontant forte partie et qui franchit les obstacles grâce à son astuce, tout en offrant un petit panorama d'une époque mouvementée.