En juin 1940, alors que la France est sur le point de succomber face à l'avancée de l'armée nazie, Frédéric Auger, jeune écrivain envoyé en prison pour un meurtre commis par son amour d'autrefois, la célèbre actrice Viviane Danvers, s'évade en compagnie d'un petit voyou avec lequel il gagne Bordeaux. Là-bas, sa route va recroiser celle de Viviane mais également d'une étudiante en physique aidant son professeur à fuir le pays, d'un ministre et d'un espion allemand.

Jean-Paul Rappeneau est un réalisateur peu prolifique et depuis ce Bon Voyage, échec en salle à sa sortie en 2003, il n'a plus mis en scène aucun film. C'est fort dommage car il réussissait l'alliance du divertissement populaire avec un cinéma ambitieux et soigné. Est-ce le mélange des genres qui a déconcerté les spectateurs cette fois-ci avec un scénario signé Patrick Modiano mélangeant comédie, espionnage et film historique? Ou n'est-il pas sorti au bon moment, à moins que ce ne soit la période abordée, la débâcle de 1940, qui n'ait pas été vendeuse pour un public souhaitant se divertir, d'autant que le film ne se conclut pas sur un épilogue montrant la libération?

Peut-être un peu de tout cela à fois. Quoi qu'il en soit, le film se savoure, mené à un train d'enfer, de la scène d'ouverture où après l'avant-première de son dernier film, la belle mais égocentrique Viviane tue accidentellement un ancien amant possessif et fourre dans le pétrin le dévoué et naïf Frédéric à sa conclusion, une nouvelle fois dans un cinéma, durant laquelle le héros retrouve une des principales protagonistes de l'aventure qu'il a vécu à Bordeaux, alors que la France s'effondrait et que le gouvernement commençait à envisager un armistice.

Rappeneau et Modiano font se croiser, en l'espace d'une poignée de jours, une population diverse dans les rues de Bordeaux, prises d'assaut par les réfugiés: grands-bourgeois se battant pour des chambres dans l'hôtel le plus chic de la ville déjà réquisitionné par les restes du gouvernement, petits voyous opportunistes, scientifiques inquiets de voir leur invention tomber entre de mauvaises mains et un faux journaliste se révélant un véritable espion. On s'amuse alors que le jeune écrivain en herbe tente d'échapper à la police, accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis, et doit choisir entre la belle actrice qui ne lui attire que des ennuis et une vaillante étudiante cherchant à protéger son professeur mais l'intrigue prend un tour plus sinistre lorsqu'on évoque les tractations et les débats des membres du gouvernement prêts à négocier une reddition et que se dessinent déjà futurs collaborateurs et futurs résistants. Au milieu du pur divertissement, Rappeneau parvient à capter quelque chose de ce que devait être la pagaille et l'incertitude du moment.

La distribution est impeccable, en particulier Isabelle Adjani, agaçante à souhait en actrice superficielle qui ne pense qu'à se préserver mais qui laisse pointer une vulnérabilité empêchant de la détester totalement tandis que Grégori Derangère est un bon jeune premier, naïf sans être idiot. On a également une belle galerie de seconds rôles, notamment un Michel Vuillermoz lunaire et la présence inattendue de Peter Coyote.

Partagé entre plusieurs directions différentes, Bon Voyage parvient pourtant à former un tout cohérent et homogène, ce qui fait d'autant plus regretter que le film ait été boudé à sa sortie. Il vaut en tout cas largement le coup d'être redécouvert et apprécié à sa juste valeur.