Au début du XXe siècle, Daniel Plainview entreprend des forages en Californie à la recherche de pétrole. Flanqué de son jeune fils, il tente sa chance à Little Boston, où la fortune commence à lui sourire mais où il entre également en conflit avec Eli Sunday, le prêcheur local dont la famille possédait les terres achetées par Plainview.

Il est toujours compliqué de parler des films considérés quasi universellement comme des chefs-d’œuvre et There will Be Blood est de ceux-là, qui n'a pas eu besoin de reconnaissance tardive pour qu'on y voit un des plus grands films d'un XXIe siècle encore naissant. Il y a de quoi, entre des plans superbes qui font que si l'on met sur pause à n'importe quel moment du film, on pourrait encadrer l'image sur laquelle on tombe (Robert Elswit a justement été récompensé de l'oscar de la meilleure photographie) et les interprétations magistrales de Daniel Day-Lewis et Paul Dano. Tout cela au service d'une histoire fascinante, centrée sur l'affrontement entre deux personnages aux antipodes l'un de l'autre et qui pourtant manipulent et se servent de leur entourage.

Après un premier quart d'heure entièrement silencieux, Plainview est en effet dépeint comme un beau parleur et un homme d'affaires à la fois avisé et audacieux, sachant convaincre son auditoire de lui accorder ce qu'il veut ou de se retirer plutôt que de perdre son temps. Son jeune fils H.W. l'aide à se donner une image respectable de père de famille mais il se révèle capable de l'abandonner sans véritable adieu pour poursuivre ses entreprises. En face de lui, Eli est un prêcheur comme il en fleurit aux États-Unis, a priori sincère dans sa foi et qui pourtant ne perd jamais de vue l'argent que lui doit Daniel, officiellement pour son église mais il semble avoir la rancune trop tenace pour être tout à fait sincère, tout comme sa jalousie envers son frère jumeau rend ses motivations douteuses. De plus la période était trop propice aux faux prophètes pour ne pas se méfier d'instinct de lui (on peut penser à Elmer Gantry en le voyant électriser ses ouailles).

Deux personnages principaux usant principalement de la parole pour arriver à leurs fins pour une histoire qui comporte beaucoup de non-dits. On nous en dit le minimum sur les relations entre Eli et Paul et le destin de ce dernier reste mystérieux car il disparait totalement après avoir contacté Daniel. Ce dernier rejette son fils à plusieurs reprises, violemment et définitivement dans les dernières minutes, une scène révélatrice le montre plus fasciné par l'incendie du forage que par l'état de H.W. qu'il sait pourtant mal en point mais on le montre à plusieurs reprises avoir des gestes d'affection sincère à son égard. L'ellipse temporelle menant au dernier tiers est également déstabilisante bien que joliment amenée à travers la communication en langage des signes entre H.W et Mary Sunday, seul personnage amenant un peu de pureté au milieu de la corruption générale.

On suit finalement le parcours somme toute classique de l'homme sans scrupules qui s'élève financièrement tout en sombrant de plus en plus dans la folie et qui finit totalement isolé, ayant repoussé ceux qui auraient pu compter pour lui, frère imposteur, fils d'adoption, et la dernière partie peut alors paraître surjouée, avec un Daniel Day-Lewis apparemment atteint d'un lumbago mais l'explosion entre Eli et Daniel planait depuis si longtemps et le tout est si bien emballé qu'il est difficile de faire la fine bouche.

D'une beauté plastique de tous les instants et porté par des acteurs inspirés, There Will Be Blood dresse le portrait d'un pays encore en formation, coincé entre appât du gain et fanatisme religieux qui s'entremêlent autant qu'ils s'affrontent ici, où la violence des personnages explose rarement mais pèse sur toute l'histoire.