Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Asteroid City
Chaque année, la petite ville d'Asteroid City accueille une conférence de jeunes prodiges scientifiques dans le cratère voisin provoqué par la chute d'une météorite des milliers d'années auparavant. En 1955, le photographe Augie Steenbeck y accompagne son fils Woodrow. Habitants d'Asteroid City et visiteurs vont alors être témoins d'une apparition extraordinaire.

Wes Anderson fait partie de ces réalisateurs au style et à l'esthétique devenus immédiatement identifiables. Avec ses qualités, plans extrêmement soignés et détaillés, mais aussi ses inconvénients: en plus des pastiches amusants et réussis mais vite barbants ou des trailers de fausses adaptations générées par des intelligences artificielles qui font sourire deux secondes avant de paraître insultantes, il y a toujours le risque que Wes Anderson lui-même ne finisse par se cacher derrière une marque, où la forme reconnaissable se ferait au détriment du fond, ou provoque simplement la lassitude, bref, qu'il soit en voie de timburtonisation. Pour ma part, ayant fort peu vu de son œuvre (The Grand Budapest Hotel que j'adore et À bord du Darjeeling Limited que j'avais bien aimé), je n'en suis pas au point de saturation et cet Asteroid City avec son désert en carton-pâte et sa promesse de visite extra-terrestre dans les États-Unis des années 50 m'attirait et m'intriguait.

Dès le départ, on est averti que ce que la bande-annonce nous vendait (une apparition d’ovnis devant les convives d'une conférence d'astronomie dans les années 50) n'est que pure fiction, une pièce de théâtre que l'on va découvrir, entrecoupée de séquences en coulisse où l'on est invité à connaître l'envers du décor, rencontrer le dramaturge, le metteur en scène, les doutes de l'acteur principal face à son rôle ou les péripéties sentimentales d'une des actrices et d'une doublure qui ne va pas le rester. Une mise en abyme qui de ce fait explique le caractère parfaitement artificiel des décors (ce qui n'était pas nécessaire: on aurait accepté le parti-pris esthétique sans cela) mais qui surtout crée une distance avec ce qui se déroule sous nos yeux, d'autant qu'on est replongé régulièrement dans la "réalité". Quand on commence à s'investir dans la relation qui se développe entre Augie et Midge, à la trouver touchante malgré le jeu délibérément placide des acteurs, hop, on nous rappelle que tout cela n'est qu'une pièce, que ce sont des comédiens au travail. Il en va de même pour le sujet du deuil puisque Augie doit annoncer à ses enfants la mort de leur mère et ces derniers gérer la situation du mieux qu'ils peuvent mais on sait que cette mort n'a pas eu lieu. Cela doit-il faire écho au sentiment de perte que certains personnages en coulisse peuvent ressentir? Nous faire réaliser, à nous spectateurs, que toute mort à l'écran qui pourrait nous émouvoir est tout aussi fictive?

Il y avait déjà un peu de cette idée dans The Grand Budapest Hotel où un auteur racontait comment Zero, propriétaire de l'hôtel où il séjournait dans sa jeunesse, lui avait lui-même raconté ses aventures des décennies auparavant. Rien ne prouve que Zero et ses aventures ne sont pas pures inventions de l'auteur de A à Z mais le temps du film, on y croit et on ne cherche jamais à nous détourner d'elles. Derrière l'apparence factice, il y avait un vrai film d'aventures. Ici néanmoins, le goût pour les récits enchâssés et la volonté de mettre en évidence les mécanismes de la fiction et sa nature de fiction coupent toute émotion. L'humour décalé fonctionne, c'est un délice pour les yeux (et mention spéciale aux apparitions du roadrunner) mais au service de quoi?

Par ailleurs, comme d'habitude avec Anderson on a une distribution pléthorique d'habitués ou de nouveaux venus, parfois pour une simple scène (coucou Jeff Goldblum et Willem Dafoe). Jason Schwartzman, Scarlett Johansson et Jake Ryan sont probablement ceux qui ont le plus de matière à jouer et ils le font merveilleusement tandis que Tom Hanks est amusant en grand-père riche et grincheux et Jeffrey Wright, que je n'ai jusque-là vu que dans des rôles dramatiques, tout aussi à l'aise dans le registre comique. Néanmoins, si chacun joue sa partition à la perfection, il y a assez peu de surprises et les rôles semblent tellement taillés sur mesure que le manque de fausse note n'étonne plus et qu'il est difficile de totalement s'émerveiller de prestations pourtant savoureuses.

Asteroid City est comme on pouvait s'y attendre un petit festin visuel et l'humour savamment décalé fait sourire. Le procédé narratif utilisé met cependant à mal toute possibilité de véritables émotions, du moindre sentiment de spontanéité et l'on peut se demander où Wes Anderson veut en venir, s'il y a bien volonté d'aller quelque part. D'où un film plaisant à regarder mais vain.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 16 Juillet 2023, 16:51bouillonnant dans le chaudron "Films".