Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Âmes à la mer
En 1842, Michael Taylor, un marin, est accusé de la mort d'une vingtaine de personnes lors du naufrage d'un navire où il était membre d'équipage. Il est également accusé d'être un négrier. Un représentant de la Couronne va alors donner une version bien différente des événements et de la personnalité de Taylor.

En 1935, la première version de l'histoire des Révoltés du Bounty, réalisée par Frank Lloyd, avait été un succès et avait reçu plusieurs nominations aux Oscars pour remporter celui du meilleur film. Pour rivaliser avec ce succès produit par la MGM, la Paramount s'est basée sur une autre histoire vraie, moins connue et plus librement adaptée, pour proposer à son tour son grand film épique en mer. Henry Hathaway, réalisateur passé aussi bien par le western que par le mélo ou par le film de capes et d'épées avec l'inénarrable Prince Vaillant (que je dois toujours revoir un jour même si je devrais peut-être rester sur mes souvenirs d'enfance), a été chargé de la tâche. La grande fresque a finalement été réduite à un film d'une durée standard pour l'époque d'à peine 1h30 et on sent certaines coupes, notamment dans la première partie, très elliptique, ou dans la présentation de l'équipage du William Brown: on a par exemple une petite scène comique avec un escrimeur français hautain, qui permet de montrer que Taylor sait se servir d'une épée avec dextérité sans que ni le personnage, ni la capacité du héros ne vienne jouer un rôle ensuite.

Malgré une ambition moindre que celle affichée au départ, le film a de beaux restes. Il se déroule à une période où la traite des esclaves a été abolie par plusieurs pays mais où l'esclavage a toujours cours, notamment aux États-Unis, ce qui entraîne un trafic clandestin. On est vite rassuré sur la nature du personnage principal joué par un Gary Cooper droit dans ses bottes: si on a pu le prendre pour un négrier, il lutte en fait farouchement mais discrètement contre l'esclavage. Sa mission à bord du William Brown sera d'amener à Savannah une lettre susceptible de piéger les trafiquants pour les mettre sur les routes de navigation des navires de patrouille tout en démasquant le négrier qui se cache derrière un honorable lieutenant de marine, qui n'est autre que le frère de la femme dont Taylor est tombé amoureux, pour compliquer les choses.

La brièveté du film, la découverte de l'équipage et des passagers du navire et un spectaculaire naufrage ne laissent guère le temps de s'ennuyer. On pense un peu à Titanic avec ces voyageurs divisés par classe sociale, les coursives à moitié inondées, une histoire d'amour tragique et une insuffisance de canots de sauvetage (ironiquement, George Raft n'aura pas sa place sur le radeau). Le film ne craint pas de se montrer cruel dans le choix des victimes et de dépeindre un héros obligé d'employer de grands moyens pour ne pas que tous périssent. Contrairement à ce qui a pu être dit et reproché, il ne va pas jusqu'à tirer sur les gens à l'eau pour qu'ils ne surchargent pas le canot, il leur ordonne juste de s'accrocher au bord et non aux rames ce qu'ils sont trop paniqués pour prendre en compte, mais la scène secoue un peu. Parallèlement à cela on a un humour plus bon enfant tel qu'on pouvait en voir souvent à l'époque, comme le pari entre Taylor et son ami Powdah sur les paroles d'une chanson ou plus étonnamment, une scène classique où le frère veut éloigner le héros de sa sœur tandis que celle-ci plaide sa cause mais où tout le monde est pris d'une crise de hoquet.

George Burns s'était moqué des deux acteurs principaux en disant "Gary Cooper et George Raft ont une fois joué une scène devant un magasin de cigares et on aurait dit que les barreaux de chaise surjouaient". Pourtant, si Gary Cooper se montre sobre dans son rôle de héros cultivé et humaniste mais un peu lisse, il évite d'être totalement monolithique. Il avait déjà joué sous la direction d'Henry Hathaway dans Les Trois Lanciers du Bengale, film que j'ai vu il y a plus de vingt ans mais dont je peux toujours réciter de mémoire l'intégralité des répliques de l'unique personnage féminin: "Good Luck". Quant à George Raft, dans le rôle plus ambigu d'un ancien négrier revenu à de meilleurs sentiments grâce à l'influence de Taylor, il semble plutôt à l'aise et ne laisse pas entrevoir ici les limites ordinaires de son jeu, alternant humour et gravité. Le couple B qu'il forme avec Olympe Bradna est d'ailleurs plus touchant que le principal constitué de Cooper et Frances Dee, cette dernière étant désavantagée par un personnage un peu trop pimbêche et partagée entre son frère et le héros sans qu'on accorde grande place aux développements de ses sentiments.

Âmes à la mer est un bon petit film d'aventures qui souffre malheureusement des coupes dont il a été victime. S'il n'est pas aussi complexe et fouillé que prévu, il reste en tout cas extrêmement divertissant.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 2 Octobre 2022, 18:28bouillonnant dans le chaudron "Films".