Un homme décide de venger son épouse victime d'une agression. Un autre a désespérément besoin d'un alibi pour couvrir le meurtre qu'il a commis. Un clerc est convaincu que son correspondant peut prédire le futur. Lors d'une démonstration d'hypnose, une femme tue son mari avec une paire de ciseaux. Un club privé propose occasionnellement un plat délicieux dont la recette est tenue secrète. Un joueur est mis au défi d'allumer son briquet plusieurs fois d'affilée sous peine de perdre un doigt. Les membres d'une fraternité s'amusent à faire croire à un camarade qu'il a tué l'un d'eux en état d'ivresse... Plus de deux cents histoires criminelles présentées par le maître du suspense en personne, Alfred Hichcock.

De 1955 à 1962, sur CBS puis sur NBC, Alfred Hitchcock a été le chef d'orchestre d'une série anthologique policière qui n'est pas sans parallèles avec une autre anthologie télévisée de l'époque, The Twilight Zone, en abordant des thèmes policiers ou à suspense plutôt que de science-fiction ou fantastique: des histoires de vingt minutes, introduites et conclues par le créateur lui-même, avec des noms prestigieux devant et derrière la caméra. Hitchcock lui-même a réalisé 18 épisodes tandis que Robert Stevens a assuré la majorité des mises en scène mais ont œuvré également Paul Henreid et Ida Lupino, ou même Robert Altman. Devant, on alterne entre acteurs de séries télévisées qui ont pas mal tourné sans jamais devenir de grandes stars et têtes connues, déjà à l'époque, notamment pour avoir tourné au cinéma avec Hitchcock lui-même (Claude Rains, Vera Miles, Peter Lorre...) ou pas (Bette Davis tient la vedette d'un épisode, excusez du peu), ou encore de petits jeunes qui n'avaient pas fini de faire parler d'eux (en vrac, Dick York, Charles Bronson, Peter Falk, William Shatner ou encore Robert Redford... qui sont aussi passé par The Twilight Zone).

Les histoires sont souvent des adaptations de nouvelles, parfois publiées dans des anthologies chapeautées encore une fois par Hitchcock mais pas toujours. On croise ainsi des valeurs sûres comme Roald Dahl, Ray Bradbury, Robert Bloch ou William Irish. Certains épisodes sont purement policiers, d'autres lorgnent ouvertement vers la comédie et certains versent même dans l'épouvante comme Special Delivery de Bradbury qui ne donne pas envie de cultiver des champignons dans sa cave. Le principe est en tout cas toujours le même: Hitchcock joue une petite scénette dans laquelle il présente avec un humour pince-sans-rire l'épisode à venir mais aussi le sponsor de l'émission, après quoi on découvre "la pièce" du jour, puis le réalisateur revient pour conclure toujours sur le même ton. Si d'aventure une intrigue s'achève sur la victoire des criminels, y compris des criminels pour qui on peut concevoir de la sympathie (martyrisé par des parents/époux odieux ou simples crapules astucieuses bernant des gens pas plus scrupuleux), Hitchcock s'empresse de rassurer les spectateurs et surtout les annonceurs, ils se sont fait prendre peu après, la morale est sauve. L'époque n'était pas au cynisme ou tout du moins pas ouvertement et l'on ne peut s'empêcher de se dire qu'Alfred Hitchcock lui-même n'en pensait pas moins et se serait passé de ces précisions si cela n'avait tenu qu'à lui.

Avec 268 épisodes, tous les récits ne sont pas du même niveau, les plus humoristiques ne sont pas les plus réussis mais il n'y a pas de francs ratés et les 7 saisons sont égales. Un classique de la série anthologique qui mérite d'être redécouverte ou dont on peut grappiller des épisodes à l'occasion sans grand risque de mal tomber.