Ginger tente régulièrement de s'échapper du poulailler des Tweedy, un couple de fermiers qui n'hésite pas à tuer les poules ne produisant pas assez d’œufs. Lorsque Rocky, un coq américain, s'écrase dans le poulailler qu'il survolait, Ginger comprend qu'il faut s'évader par la voie des airs. Le temps presse car Mrs Tweedy a acheté une machine pour transformer ses poules en tourtes.

Peter Lord et Nick Park avaient, à l'orée des années 90, causé sensation dans le monde de l'animation en créant Wallace et Gromit, personnages en pâte à modeler qui allaient amuser un public de tout âge à travers trois premiers court-métrages aussi hilarants qu'inventifs. Leur passage sur le grand écran était attendu. Curieusement, les deux réalisateurs ne se sont pas précipités d'entrée de jeu sur leurs personnages déjà cultes pour leur premier long-métrage mais ont choisi une histoire centrée sur des protagonistes inédits: des poules - dentues. Le poulailler est ici dépeint comme un camp de prisonniers avec ses baraquements. La plus grosse référence, avouée, est La grande évasion de John Sturges mais naturellement, comme tout bon film grand public, saisir les allusions est un bonus et l'essentiel de l'humour ne repose pas dessus.

On retrouve ce qui faisait déjà le sel des courts-métrages: des personnages amusants, notamment Babs, la poule naïve, le colonel Fowler, ancien de la RAF, ou encore les deux rats qui font du marché noir; un rythme très sûr dans l'enchaînement des gags avec un certain goût pour les scènes spectaculaires impliquant des engins mécaniques, par exemple l'un des morceaux de bravoure consiste à voir Rocky et Ginger au prise avec la machine à fabriquer des tourtes, scène qui précède de deux ans une séquence du même ordre de la chaîne de montage de L'Attaque des Clones et l'enterre joyeusement.

Les poules ne font pas des héroïnes très cinématographiques, elles ne sont pas réputées pour leur intelligence et visuellement, elles n'ont pas un côté mignon que l'on peut trouver chez d'autres animaux, les canards par exemple pour rester dans la volaille. Passées par le filtre des studios Aardman, elles sont immédiatement attachantes, en particulier Ginger, éprise de liberté et déterminée. Rocky est un personnage classique d'imposteur au grand cœur, qui va filouter son entourage avant de prouver son héroïsme à deux reprises, avant et après avoir été démasqué. Il en faut pour faire face aux Tweedy, en particulier madame, car on n'hésite pas à montrer le sort qu'ils réservent aux poules qui ont cessé d'être productives.

J'ai regardé le film en VO donc je ne commenterai pas la VF faute de la connaître encore mais les performances vocales sont excellentes. Julie Sawalha en Ginger est très bien (petite vibe Absolutely Fabulous puisque Jane Horrocks campe Babs) tout comme l'Australien Mel Gibson en "coq-boy" solitaire américain ou qui le prétend. On retrouve aussi pas mal de seconds rôles british comme Timothy Spall en rat roublard, Imelda Staunton en poule dodue et Miranda Richardson dans le rôle de la terrifiante Mrs Tweedy. La musique de Harry Gregson-Williams et John Powell, duo qui a ensuite officié sur Shrek, est enlevée et bien que l'on ait affaire à une équipe purement "mediaventures", elle lorgne vers les BOs des grosses productions des années 60, une fois encore, référence à La grande évasion oblige.

Un quart de siècle ou presque après sa sortie, Chicken Run se regarde toujours avec un plaisir indéniable et témoigne du génie de ses créateurs qui ne se limite pas à Wallace et Gromit (sans parler de Shaun le mouton pour le seul Nick Park).