Le Docteur et Ruby passent une soirée de rêve lors d'un bal organisé en 1813 par la duchesse de Pemberton. Ils découvrent qu'un métamorphe aux intentions néfastes se cache parmi les invités. Un mystérieux chasseur de primes est déjà sur sa piste.

Doctor Who et Jane Austen, c'est décidément depuis 60 ans un rendez-vous manqué. Depuis que j'ai découvert la série et vu le Docteur rencontrer les grands auteurs britanniques que sont Dickens, Shakespeare et Christie, je pensais que ce ne serait qu'une petite question de temps avant qu'on se trouve en présence de la romancière derrière Orgueil et Préjugés. Hélas, l'incursion de Twelve et Bill dans l'Angleterre du début du XIXe siècle ne la concernait pas et l'on doit se contenter d'une réplique de Clara une saison plus tôt pour deviner une aventure (ou des aventures?) en commun. Signe des temps, quand enfin on a un épisode qui semble réunir les ingrédients d'un bon délire austenien, elle n'apparait pas davantage, le but avoué est de surfer sur la vague Bridgerton. De quoi faire plaisir aux fans de la série à succès même si je me demande si dans vingt ans les allusions auront le même impact là où avec Austen on a une plus nette idée de sa capacité à traverser les époques.

Quoiqu'il en soit c'est le premier épisode de la saison à ne pas avoir été écrit par un vieux de la vieille, Davies ou Moffat, mais par des nouvelles venues dans cet univers, Kate Herron et Briony Redman. Cela explique peut-être pourquoi on leur a confié un épisode au premier abord plus léger, la petite respiration avant le double final qui va démêler tous les fils lancés depuis les spéciaux. Cela ne le rend pas totalement indépendant: Ruby ne manque pas de noter un visage devenu familier au travers d'un portrait, la femme qui apparait sous diverses identités et apparemment sans en avoir conscience depuis The Church on Ruby Road. On sait qu'elle ne peut pas être une future Ruby que l'on a déjà vu âgée mais alors qui? Sa mère? La Rani (oui, dès qu'une femme mystérieuse apparait, on doit dire la Rani, un jour ce sera bien elle)? Les deux? Apparait également le personnage qui donne son titre à l'épisode, Rogue, qui ne donne pas de cours de potions mais traque les criminels de l'espace entre deux parties solitaires de Donjons et Dragons (pas pratique).

Pendant un moment, on se demande si on n'a pas là le nouveau Jack Harkness même si les personnalités des deux personnages sont différentes: un homme d'action à l'éthique floue capable de flirter avec le Docteur, qui se joint à lui dans la dernière partie de la saison. Ou la nouvelle Pompadour car le Docteur ne perd pas de temps pour tomber sous son charme et verser sa larme quand la romance finit tragiquement. Encore qu'on a cette fois une porte de sortie et tout dit que le bonhomme reviendra tôt ou tard. Ce ne serait pas de refus car ses échanges avec le Docteur ne manquent pas de saveur même si c'est essentiellement quand ils sont encore rivaux ou adversaires et que le Seigneur du Temps démasque peu à peu la vraie nature de Rogue qui se dégèle. Pas certaine que des interactions plus détendues soient aussi stimulantes sur le long terme. Jonathan Groff, surtout connu pour Mindhunter et Hamilton, est en tout cas impeccable en faux gentleman de la Régence se la jouant Darcy avant d'abattre son jeu.

Le reste de l'épisode est en dehors de sa romance plus anecdotique, remplissant son contrat avec des méchants dangereux mais somme toute peu impressionnants avec leur tête de chouette et leurs motivations infantiles, tandis que Ruby se contente surtout de détonner par son franc-parler moderne dans un univers très policé. On a beau savoir pertinemment qu'on n'oserait pas de débarrasser de la Compagne hors-champs ou sur un simple malentendu, la jeune femme a chaud aux fesses pendant les dernières minutes histoire d'entraîner un sacrifice opportun (ce qui tend à accréditer l'idée du retour du chasseur de primes: ce serait ballot qu'il soit condamné pour un quiproquo et l'incapacité du Docteur à prendre une décision radicale).

Voici donc un épisode que j'aurais probablement davantage apprécié si j'avais été adoratrice de Bridgerton plutôt que fan frustrée de Jane Austen. Il n'en demeure pas moins sympathique et introduit un protagoniste dont le retour éventuel serait le bienvenu.