Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


mon compte twitter mon tumblr mon compte bétaséries



Les aventuriers de l'article perdu

Archive : tous les articles

Principaux grimoires

Inventaire des ingrédients

Ce qui mijote encore

Potion précédente-Potion suivante
Oublier Mozart
À la mort de la célèbre cantatrice Nancy Storace en 1817, son fils Spencer a la mauvaise surprise de se découvrir déshérité. Quelques années plus tard, il reçoit les Mémoires de sa mère écrites à son intention. S'il évoque les voyages et la carrière de la Storace, de l'Italie à la cour de Vienne avant de revenir en Angleterre, le manuscrit est curieusement incomplet.

Tous les artistes ne sont pas sur un pied d'égalité face à la postérité. Dans certains cas, c'est lié à l'art pratiqué lui-même et à la technologie: si les œuvres écrites, littéraires ou musicales, ont pu pour certaines traverser les siècles, s'il en est de même pour l'architecture, la sculpture ou la peinture, asseyant la reconnaissance du talent voire du génie de leurs créateurs, comment peut-on juger des acteurs et chanteurs dont les performances n'ont pu être captées et enregistrées faute de moyens? Molière l'acteur nous ferait-il autant rire que Molière l'auteur? Il nous reste, des stars de leur époque, des mentions dans des mémoires, des critiques, de la correspondance, avec forcément une dose de subjectivité. Les noms sont connus quand les émotions prodiguées par leurs prestations sont effacées. La cantatrice Ann Selina "Nancy" Storace fait partie de ces artistes dont on connait la vie et la réputation mais dont on ne pourra juger de la voix selon nos critères.

Emmanuelle Pesqué lui avait déjà consacré une biographie, elle aborde de nouveau sa vie sous la forme d'un roman. Un roman qui n'adopte pas une structure linéaire puisqu'on navigue entre le XIXe siècle, après la mort de la chanteuse, à la suite de son fils naturel Spencer qui tente de recouvrir son héritage et d'en découvrir plus sur sa mère, et le XVIIIe siècle, en plongeant dans les mémoires apocryphes de la Storace. C'est évidemment l'attrait principal, voir à travers elle revivre le monde musical remuant de l'époque, de son Angleterre natale à Vienne où elle va travailler évidemment avec Mozart mais également avec Haydn, Martin y Soler ou encore Salieri dont elle fait un portrait bien plus sympathique que ce que la légende en a fait. C'est d'ailleurs pour Nancy Storace que Mozart et Salieri ont composé une petite cantate en commun. Lorenzo Da Ponte en prend en revanche pour son grade, ce qui fait contrepoids aux propres mémoires du bonhomme dans lesquelles il se donnait le beau rôle face à son rival Casti que Storace semble apprécier bien davantage. On a pu prêter à Nancy Storace une liaison avec Mozart, Emmanuelle Pesqué ne fait pas dans le sensationnalisme sans pour autant gommer l'importance du compositeur et en ne fermant aucune porte.

L'exercice de style pour restituer le style de l'époque est impressionnant et accompagné de notes régulières et généreuses portant sur les œuvres autant que sur le vocabulaire. De manière un peu trop systématique parfois car certaines expressions sont compréhensibles dans le contexte (trop de notes! Voilà, celle-là, elle est faite). On se perd un peu dans les histoires de testaments et d'héritages tout en ayant un peu pitié du tourmenté Spencer tandis que l'on croise des personnages hauts en couleur comme le très cabotin ténor Michael Kelly.

La partie consacrée aux mémoires de Storace peut paraître trop courte dans ce roman foisonnant par rapport à celle mettant en scène Spencer et laisse avec la furieuse envie d'en apprendre plus malgré l'érudition déjà présente dans le roman. Un avant-goût bien agréable avant de se lancer dans la biographie proprement dite.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 9 Juin 2024, 18:03bouillonnant dans le chaudron "Littérature".