Chassés des royaumes magiques par un mystérieux Adversaire, les personnages de contes et légendes ont trouvé refuge dans notre monde. Ceux qui peuvent passer pour humains se sont établis à New York, les autres sont cantonnés dans une ferme isolée. Quand Rose-Rouge, la sœur de Blanche-Neige, disparait, cette dernière confie à Bigby Wolf, Grand Méchant Loup reconverti en détective privé, le soin de mener l'enquête.

Publié entre 2003 et 2015 chez Vertigo, label fantastique et horrifique de l'éditeur DC Comics, Fables a été créé par Bill Willingham. Le scénariste utilise un concept simple mais séduisant: les personnages de contes de fées sont contraints de se réfugier dans notre monde et vivent de folles aventures en prenant bien garde à ne pas attirer l'attention des "communs". Un concept qui a fait les beaux jours de la série Once upon a Time quelques années plus tard au point que des fans du comics ont levé leurs boucliers bien que Willingham lui-même ne s'en soit pas formalisé.

Par "Volume 1", je parle du découpage de la collection Nomad, qui reprend des comics DC en format et prix réduits et couverture souple. Il renferme les 17 premiers numéros répartis en cinq intrigues qui se suivent, un fil rouge apparaissant petit à petit. Dans Légendes en exil qui ouvre le bal, on découvre le fonctionnement de la communauté de Fableville sur fond d'enquête policière: Blanche-Neige est maire-adjointe (et fait tout le boulot), le Grand Méchant Loup, repenti, est un privé, Barbe-Bleu un riche mécène, le Prince Charmant va de conquêtes en conquêtes et Jack n'a plus de haricot magique mais tente de faire fortune par des escroqueries diverses. L'humour, plus ou moins fin, est au rendez-vous mais Fables laisse vite percevoir un aspect plus sombre comme le démontre la deuxième histoire, La Ferme des Animaux qui se déroule là où l'on envoie les personnages incapables de passer inaperçus parmi les humains: Blanche-Neige y découvre un complot mené par des révolutionnaires qui souhaitent reprendre les royaumes enchantés à l'Adversaire, cause louable s'il en est mais qui va devenir prétexte à un bain de sang suivi d'une sévère répression. S'il est amusant de voir Boucle d'Or en excitée de la gâchette, elle est aussi flippante.

Les personnages s'affinent au fur et à mesure: le Prince charmant, par exemple, qui semble juste être un bellâtre volant de femmes en femmes pour se faire entretenir, se montre plus retors que prévu. Lan Medina, Mark Buckingham et Bryan Talbot se succèdent au dessin. On différencie leur trait sans se perdre dans les différentes interprétations des personnages mais on reste sur un type de dessins classique pour des comics, qui me laissent un peu froide même si certaines pages sont saisissantes. Si certains êtres légendaires ne se présentent plus, d'autres sont issus de comptines anglo-saxonnes et sont un peu plus obscurs pour des lecteurs français, comme le roi Cole qui dirige Fableville. Il y a également des références à des œuvres plus récentes comme Oz ou Narnia mais dans le second cas, pour des raisons de droit, on ne peut probablement pas utiliser les personnages au-delà du clin d’œil.

Tour à tour amusants, violents ou effrayants, ces cinq premiers récits plantent admirablement le décor, donnent envie de découvrir d'autres personnages de contes passés à la moulinette et surtout d'en savoir plus sur la campagne électorale du Prince charmant et surtout sur l'Adversaire responsable de tous les maux.