Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Dune (1984)
An 10191. L'empereur Shadamm IV charge le duc Leto Atréides d'administrer Arrakis, planète désertique où l'on puise l'Épice, indispensable aux voyages spatiaux. Les Atréides acceptent la mission tout en devinant qu'il s'agit d'un piège. L'empereur s'est allié aux Harkonnens, leurs ennemis, pour détruire leur Maison. Paul, le fils de Leto, est vite forcé de fuir dans le désert avec sa mère Jessica, où il deviendra le messie attendu par les Fremens, le peuple local.

La première adaptation au cinéma de Dune, après la tentative avortée d'Alejandro Jodorowky (qui n'aurait sans doute pas été le chef-d’œuvre que certains fantasment mais aurait certainement été quelque chose, un peu comme Le Seigneur des Anneaux de John Boorman), aura donc été signée David Lynch, sous la houlette du producteur Dino de Laurentiis. Lorsque j'en ai entendu parlé pour la première fois dans les années 90, avant la mini-série et la version de Denis Villeneuve, elle ne me paraissait pas avoir si mauvaise réputation (je parle d'avis de gens de mon âge ou plus vieux qui l'avaient vue et non de critiques professionnelles) et ce n'est que bien plus tard que j'ai appris toutes les difficultés de tournage, le montage final qui coupait de nombreuses scènes et l'existence d'une version longue désavouée par la réalisateur et diffusée avec la mention d'Alan Smithee à la réalisation. Que peut-on en dire des années après, alors qu'il ne s'agit plus de la seule version à l'écran dont on peut se contenter (et probablement pas la dernière)?

Synthétiser le roman en un peu plus de deux heures, en introduisant déjà quelques éléments du Messie de Dune tout en offrant une fin fermée, était bien trop audacieux. Les premières minutes nous livrent une foule d'information, l'intrigue avance très rapidement et paradoxalement le temps finit par paraître long. Certains apports sont discutables: je pensais par exemple que les modules étranges allaient tenir le rôle des atomiques comme armes destructrices pour vaincre les Sardaukars et les soldats harkonnens mais les atomiques sont bien mentionnées lors de l'assaut final sans que l'on sache d'où elles sortent. Plus dommageable, tout ce qui est relatif au statut de Paul est ici traité au premier degré: il y a une prophétie, il est élu, dès qu'il obtient la victoire la pluie tombe et les Fremens sont contents. Belle trahison du roman et évacuation totale de propos sur la manipulation, le fanatisme et les dangers d'une figure d'homme providentiel séduisante. Artistiquement, c'est beaucoup plus intéressant mais pour le moins inégal.

On est encore dans les années 80 et la peur du kitsch, le dépouillement et l'austérité ne sont pas à l'ordre du jour. Les décors sont travaillés, de la cour de l'empereur à l'antre des Harkonnens en passant par un bref détour sur Caladan, on surprend au détour d'un couloir des murs qui crient Giger qui avait travaillé sur le projet de Jodorowsky mais il y a un côté étrangement étriqué à tout cela. Montrer un navigateur de la Guilde pour illustrer les mutations entraînées par l'Épice, pourquoi pas mais la séquence où il replie l'espace n'est pas très heureuse. Les Harkonnens sont tous roux, les Mentats ont des sourcils surdimensionnés, cela peut sembler ridicule évidemment mais chaque caste est de ce fait reconnaissable et introduit qu'en plusieurs millénaires, éparpillé sur des planètes différents et soumise à des disciplines et des drogues particulières, l'humanité peut évoluer de diverses manières. Encore une fois, les Harkonnens sont l'occasion de toutes les outrances mais avec si peu de temps, ne vont guère au-delà de la caricature de méchants répugnants, ce qui est efficace (le baron face au jeune serviteur) mais parfois ridicule (le baron, encore lui, qui tourbillonne en boucle en hurlant de rire après sa victoire ou l'utilisation du chat). Comparés à ceux de films de la même époque comma la trilogie originelle Star Wars ou Blade Runner, les effets spéciaux sont décevants avec des transparences mal gérées, notamment et les boucliers ne pourraient pas crier davanrage années 80. Bizarrement, ce qui pouvait être le plus casse-gueule, la représentation des vers des sables, n'est pas ce qui s'en sort le moins bien même si les bestioles ne sont pas très rapides, limitant l'exploit de la chevauchée de Paul. Le thème musical principal, composé par le groupe Toto, est envoutant même si le reste de la BO est plus discret (sauf lors du générique final, hélas).

Avec un déroulement de l'intrigue aussi précipité, difficile pour les personnages d'être brossés autrement que de manière superficielle. Kyle MacLachlan est trop vieux pour le rôle et la naïveté du personnage ne cadre pas toujours avec son physique même s'il a une étrangeté qui sied à Paul. Sean Young n'a guère à défendre dans le rôle de Chani, tout comme Richard Jordan dans celui d'un Duncan Idaho anecdotique. Dean Stockwell s'en tire bien mieux en docteur Yueh, coincé entre sa loyauté et le chantage du baron. Pour jouer celui-ci, Kenneth Mcmillan cabotine forcément mais malgré un maquillage repoussant n'est jamais plus effrayant que comique tandis que Sting multiplie les éclats de rire et les sourires fourbes pour interpréter Feyd-Rautha. Brad Dourif est marquant dans le rôle du mentat instable Piter de Vries (mais ces sourcils... Ça compense leur absence dans Le Seigneur des Anneaux, on va dire). Le reste de la distribution est correcte avec quelques têtes connues qui défilent, de Patrick Stewart à Mel Ferrer en passant par Silvana Mangano.

Le Dune malmené de David Lynch est donc très imparfait, parfois involontairement grotesque, pour ne pas dire raté. Il ne perd pas pour autant avec le temps un aspect singulier et fascinant que l'on aurait tort de bouder.
potion préparée par Zakath Nath, le Jeudi 2 Mai 2024, 19:02bouillonnant dans le chaudron "Films".