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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Lincoln
Alors qu'Abraham Lincoln vient d'être réélu, il décide de ne pas attendre son investiture pour faire voter le Treizième amendement destiné à abolir l'esclavage. Tandis que la Guerre de Sécession s'éternise mais que le Sud est proche de la reddition, le Président craint de faire revenir les États esclavagistes au sein de l'Union avant le vote, ce conduirait à un rejet de sa proposition d'amendement. Son entourage doute, la majorité nécessaire est déjà difficile à réunir mais Lincoln est déterminé à user de tous les moyens nécessaires pour y parvenir.

Steven Spielberg canal historique, ce n'est pas toujours une garantie de réussite. Pour une Liste de Schindler qui fut une consécration publique, critique et académique, on a un Amistad dont je garde le souvenir ,à sa sortie en salle, d'un film proposant deux scènes éprouvantes sur le navire du titre et ayant le mérite d'avoir lancé la carrière de Djimon Hounsou mais qui se perdait dans des scènes de procès à répétition, des discours larmoyants noyés dans la partition d'un John Williams lancé dans ses pires excès en compagnie de ceux de son célèbre réalisateur. Lincoln est un projet que ce dernier portait depuis longtemps, je me souviens encore de voir passer des petites infos dans des magasines ciné bien dix ans avant le tournage où l'on évoquait Harrison Ford ou Liam Neeson dans le rôle-titre. C'est finalement Daniel Day-Lewis qui aura décroché la timbale, on n'y perd pas au change.

On pouvait craindre un film appliqué et moralisateur expliquant à des convertis à quel point l'esclavage c'est vilain tout en retraçant les plus belles heures du grand homme mais Spielberg et son scénariste Tony Kushner ont opté pour un angle au premier abord austère mais bien plus intéressant: les manœuvres politiques pour faire passer l'amendement. De France, on a souvent une vision assez sommaire de cette époque: la Guerre de Sécession opposait le Sud esclavagiste au Nord abolitionniste, le Nord a gagné, l'esclavage a été aboli, hourra! et Autant en emporte le Vent n'est-il pas un peu faisandé sur le fond? Le film est donc l'occasion de découvrir que naturellement rien n'était aussi simple et que les représentants de l'Union était eux-même divisés: opposants généralement démocrates à l'abolition pour des raisons diverses, partisans plus ou moins enthousiastes côté républicains là encore avec des motifs pas toujours éthiques. Pour obtenir les voix qui lui manquent, Lincoln va faire engager un trio de lobbyistes chargés de convaincre les "canards boiteux" à coup de postes avantageux tandis qu'il va lui-même argumenter auprès de quelques figures démocrates en tirant sur la corde sensible.

Ce qui pourrait s'avérer une suite de parlotes et de beaux discours se révèle passionnant tant l'on décrit un combat qu'on espérerait aller de soi mais qui exige des tractations, des compromissions et des manœuvres pas toujours morales. Si Lincoln lui-même peut faire figure de vieux sage, jamais avare d'une anecdote amusante cachant une leçon de vie, il en ressort surtout l'image d'un politicien habile, plus détaché sur la question de l'esclavage que le bouillant républicain Thaddeus Stevens qui va aussi devoir tempérer ses discours pour ne pas tomber dans le piège tendu par ses adversaires, sans pour autant abandonner son franc-parler. Lincoln, dans ses scènes de famille, n'apparait pas toujours très sympathique face à une épouse qui fait bonne figure en public mais toujours marquée par la mort de l'un de ses fils, personnage qui aurait facilement pu tomber dans la caricature du boulet freinant le héros mais qui fait surtout ressortir que ce dernier n'a pas toujours les trésors de patience et de compassion dont il se targue. Spielberg n'hésite pas à le filmer comme une image d'Épinal, silhouette kilométrique surmontée d'un haut-de-forme qui l'est tout autant tout en le tempérant en le plaçant dans l'ombre ou le clair-obscur. Il réfrène globalement ses élans, tout comme John Williams plus sobre qu'à l'accoutumé, ne se laissant aller que dans la scène du vote mais à ce stade on peut lui pardonner. Le film aurait pu se conclure sur le départ de Lincoln vers le théâtre et son destin, on assiste ensuite à une scène qui déjoue habilement les attentes mais qui parait presque superflue.

Daniel Day-Lewis a gagné un Oscar et on n'a pas à s'en étonner tellement il incarne un président aussi déterminé que fatigué. Son application de la Méthode est-elle pourtant nécessaire pour obtenir un tel résultat, c'est un autre débat. Il ne devrait pas faire oublier cependant une distribution secondaire absolument démente. Tommy Lee Jones se taille la part du lion dans le rôle de Stevens mais c'est un véritable défilé de seconds rôles ou futures vedettes (bonjours Adam Driver): James Spader, Tim Blake Nelson et John Hawkes apportent un peu de légèreté en lobbyistes tout en illustrant l'ambivalence des méthodes de Lincoln. On croise Jared Harris en général Grant qui mériterait son propre biopic, Lee Pace en beau parleur raciste, Michael Stuhlbarg en représentant timoré qui va devoir faire un choix crucial, Joseph Gordon-Levitt en fils contrarié et Sally Field en épouse qui l'est encore plus, Walton Goggins, David Oyelowo, David Strathairn... N'en jetez plus, tout ce qu'Hollywood comporte de gueules que l'on connait s'en forcément mettre un nom dessus est là et se montre impeccable.

Au premier abord, Lincoln pourrait paraître d'un sérieux pesant, Spielberg creusant une veine académique pour illustrer pieusement l'Histoire de son pays. Le film s'avère pourtant prenant malgré l'aspect touffu de son intrigue politique et évite l'hagiographie facile, plus ludique que scolaire.
potion préparée par Zakath Nath, le Mercredi 17 Avril 2024, 17:19bouillonnant dans le chaudron "Films".