Des écrivains trop curieux, un vaillant chasseur de sorciers, des momies, un orphelin terrifié dans une maison isolée près d'une sombre forêt, un centurion romain aux prises avec des druides, une épave renfermant plus qu'un trésor... Un vingtaine de nouvelles de Robert Bloch sous l'influence de Lovecraft.

Après avoir édité une riche intégrale de l’œuvre d'H.P. Lovecraft, les éditions Mnémos se penchent sur Robert Bloch, auteur de Psychose certes mais surtout écrivain qui dans son adolescence a débuté une correspondance avec son idole qui l'avait encouragé à se lancer dans l'écriture. D'où, après le roman Étranges éons, ce recueil de nouvelles sous influence. Quand divers éditeurs publient des compilations de nouvelles, il y a toujours le risque pour les lecteurs d'y trouver des doublons mais ici, aucun avec Contes de Terreur. Pourtant, au moins deux récits de ce vieux livre aurait eu à mon sens leur place dans celle de Mnémos qui semble viser à l’exhaustivité au point d'inclure des nouvelles pour la seule mention d'une créature lovecraftienne ou du livre Les Mystères du Ver, grimoire inventé par Bloch pour compléter la bibliothèque de l'étrange entamée avec Le Necronomicon. Le Lotus noir aurait pu être associé aux nouvelles égyptiennes de ce volume et La Machine à écrire présente un auteur proche du Maître de Providence.

On a toutefois de quoi faire ici avec trois grandes catégories de nouvelles: les premières sont écrites avec la collaboration plus ou moins active de Lovecraft. Les Serviteurs de Satan est ainsi intéressant car on y présente les annotations de Lovecraft pour aider Bloch, principalement des précisions historiques sur ce coin de la Nouvelle-Angleterre dans lequel se déroule cette histoire de chasseur de sorciers mettant en déroute un vilain culte (accessoirement on n'a visiblement pas attendu Salem pour faire tourner en bourrique Cotton Mathers). Ensuite vient le "cycle égyptien" qui mêle histoires de momies et de malédictions (la tombe de Toutankhamon n'avait pas été découverte depuis si longtemps, alimentant bien des fantasmes) et qui permet généralement d'intégrer Nyarlathotep, une des entités les plus malfaisantes de l'univers lovecraftien. Enfin, des nouvelles diverses plus ou moins réussies, de la très raciste La Mère des Serpents à l'amusante Marché démoniaque. On a quelques beaux morceaux de terreur comme Carnet trouvé dans une maison déserte et la Crique de la Terreur, chacune avec une ambiance différente (maison isolée en Nouvelle-Angleterre et épave échouée dans les Caraïbes) mais qui font frissonner. Certains récits tentent d'adopter le style du mentor de Bloch, avec des descriptions parfois ampoulées, on voit peu à peu sa patte apparaître avec des personnages plus sarcastiques et mal embouchés, plus contemporains, et le gore est plus présent que dans les nouvelles d'origine.

Tout n'est pas du même niveau donc mais ce recueil ne manque pas d'intérêt. On a désormais l'habitude de voir des auteurs reprendre les créations de Lovecraft pour les mettre à une sauce plus personnelle mais Robert Bloch a la particularité d'avoir commencé sous la houlette de celui-ci avant de voler de ses propres ailes.