Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Severance, saison 1
Employé de la puissante société Lumon, Mark fait partie des membres du personnel qui ont accepté la Dissociation: une puce dans le cerveau leur fait oublier toute leur vie à l'extérieur durant leurs horaires de travail et inversement, une fois les locaux quittés, ils ne savent plus ce qu'ils y ont fait ni qui ils y ont côtoyé. Peu à peu, Mark et ses collègues commencent à s'interroger sur leur travail, qui ils sont le reste du temps, et à se rebeller.

L'arrivée d'Apple sur le marché de la plate-forme de streaming est relativement récente par rapport à Netflix et Amazon mais en échange la firme à la pomme semble mettre en avant des séries de prestige ou tout du moins qui se veulent comme telles. La première saison de Severance, créée par Dan Erickson, s'est notamment attirée des éloges lors de son arrivée en 2022 et avec une suite qui tarde à arriver (différends créatifs et succession de grèves) mais désormais en tournage, il était temps que je rattrape mon retard et découvre les neuf premiers épisodes.

On a affaire à une dystopie située à une époque difficilement identifiable: on voit des smartphones tandis que d'autres téléphones mobiles sont plus démodés, le matériel informatique dans les locaux de Lumon rappelle davantage les années 90. On ignore donc si l'on est dans un futur proche ou un monde parallèle et le concept de base va contribuer à cet effet déstabilisant. On connait tous des gens qui apparaissent radicalement différents qu'ils soient au bureau ou en famille, d'autres qui ne savent ou ne peuvent pas se détendre et restent branchés travail même quand ils devraient se reposer ou à l'inverse amènent toute leur personnalité au travail alors qu'il serait parfois nécessaire de compartimenter. La Dissociation monte cette séparation entre travail et vie personnelle en principe strict rendu possible par la technologie, ce qui naturellement soulève bien des questions: quelles sont les motivations pour accepter la Dissociation et est-ce une solution à des problèmes intimes? Un employé qui n'a aucune conscience de sa vie hors des murs ne sera peut-être pas distrait par celle-ci mais n'ayant aucun souvenir du monde extérieur, même s'il a pu s'y reposer, ne risque-t-il pas le surmenage? Comment démissionner quand son soi extérieur qui n'a aucune conscience de ce qui se passe au bureau refuse de renoncer à ce job? Comment gérer une romance sur un lieu de travail quand on ne peut se reconnaître à l'extérieur? Conserve-t-on son identité quand on ignore des pans entiers de sa propre existence et n'est-on alors qu'une personne ou bien deux, dont l'une à pouvoir de vie et de mort sur l'autre?

On se doute bien qu'une entreprise capable de lancer une technologie pareille pour gérer ses employés ne mijote rien de bon et voir les personnages s'en inquiéter et mener l'enquête en interne et en externe en ignorant ce qu'ils font la moitié du temps ajoute au suspense d'une investigation qui pourrait par ailleurs sembler convenue. Severance n'est cependant pas seulement un thriller d'anticipation mais aussi une satire de la vie en entreprise: les fondateurs de Lumon font l'objet d'un véritable culte, leurs actions illustrées par des peintures d'inspiration biblique tout comme l'on brocarde un esprit de corps artificiel, une bonne humeur de façade au cours de réjouissances gênantes voire dérangeantes quand un employé atteint ses quotas. La réalisation de Ben Stiller et Aoife McArdle se montre volontiers froide et clinique, aidée en cela par les bureaux blancs et dépouillés, les couloirs labyrinthiques de Lumon dans lesquels évoluent les protagonistes tandis que l'extérieur n'est guère plus chaleureux, plongé dans un hiver neigeux. Le dernier épisode nous laisse sur un cliffhanger qui donne d'autant plus envie de découvrir la suite qu'on ne voit pas comment les personnages pourraient simplement retrouver la place qui étaient la leur cette saison. Ce qui suscite aussi quelques craindre, si l'on part dans une direction différente, retrouvera-t-on ce qui faisait le sel de la série jusqu'ici?

Cette dernière est particulièrement bien servie par un casting inspiré. Je ne m'extasie pas devant le fait qu'un acteur comique soit bon dans un rôle dramatique, l'inverse m'ayant toujours paru un exercice plus délicat. Adam Scott est toutefois très bien en "héros" qui pense fuir une tragédie personnelle en acceptant la Dissociation. Britt Lower qui interprète Kelly, la nouvelle venue par qui on découvre le fonctionnement de Lumon, est tout aussi solide tandis que Zach Cherry, d'abord détaché et pince-sans-rire, devient plus touchant à mesure que son personnage se découvre lui-même. John Turturro est surprenant, à la fois drôle et émouvant en vieille baderne respectueuse du règlement qui va apprendre à se rebeller tout en nouant une romance inattendue avec Christopher Walken. Pas vraiment le couple qu'on imaginerait être mignon et pourtant... Quand à Patricia Arquette, elle est effrayante dans un faux double-rôle tandis que Tramell Tillman au sourire quasiment imperturbable est tout aussi inquiétant en chef de service beaucoup moins bienveillant qu'il ne s'en donne l'air.

Sur le fond et la forme, avec précision, la saison 1 de Severance est passionnante et une des réussites de ces dernières années. Croisons les doigts pour que l'édifice tienne sur ces bonnes bases et ne s'écroule pas en deuxième saison ou ne tire pas sur la corde plus que de raison.
potion préparée par Zakath Nath, le Lundi 18 Mars 2024, 17:53bouillonnant dans le chaudron "Séries tv".