Les mains d'un homme sans histoires ont des velléités d'indépendance. Les nœuds d'un casse-tête, une fois défaits, libèrent des créatures terrifiantes. Un pasteur évangéliste et sa femme descendent dans un hôtel où a eu lieu un meurtre des années auparavant. Un milliardaire fait construire une maison très spéciale pour y attirer le diable. Le cobaye d'un nouvel aphrodisiaque échappe à tout contrôle. Cinq histoires pour alimenter Les Livres de Sang.

Après un troisième volume qu'il serait sans doute excessif de qualifier de soft mais qui ne proposait pas les nouvelles les plus outrancières de leur auteur, qu'allait réserver cette nouvelle fournée de cinq récits? Petit tour d'horizon.

On commence fort avec The Body Politic. Les histoires de mains qui tuent, de personnages persuadés de commettre des meurtres malgré eux car ils ne sont plus en contrôle de leurs mimines, ce n'est pas nouveau. Barker oblige, le concept est repris pour être poussé à son maximum. Ici, un pauvre gars commence à s'imaginer que ses mains ne lui obéissent plus. Non seulement c'est vrai, mais elles se concertent pour se débarrasser de sa "tyrannie" et leur révolte va se répandre comme une trainée de poudre. Et quand on pense la situation réglée, c'est évidemment pour ouvrir sur la crainte que ce n'est que le début. C'est à la fois complètement parano et drôle tellement les potards sont à fond.

The Inhuman Condition raconte l'histoire d'un petit voyou qui vole une cordelette dotée de trois nœuds à un vagabond. Adepte des casses-têtes, il s'emploie à les dénouer et libère un premier démon destructeur... On peut peut-être y voir les prémices d'Hellraiser avec un objet que l'on manipule et qui laisse sortir de dangereuses créatures bien que les bestiaux n'aient pas grand chose en commun avec les Cénobites.

Revelations est probablement la nouvelle la plus classique du lot bien qu'elle se suive avec plaisir. Un prêcheur médiatique, son épouse et son assistant passent la nuit dans un hôtel dans lequel, quelques années plus tôt, une femme a tué son mari avant de finir sur la chaise électrique. Le couple devenu fantomatique se voit offrir une chance de se rabibocher sur le lieu du crime mais rien ne se déroule comme prévu. Critique du fanatisme religieux à travers la figure du pasteur, histoire d'émancipation féminine avec deux épouses bafouées qui décident quoi qu'il en coûte de ne plus se laisser faire ou tout simplement une histoire de fantômes très pince-sans-rire dans le ton, dans tous les cas on passe un bon moment.

Down, Satan! surprend par sa brièveté, six pages à peine. Un riche homme d'affaires, Gregorius, décide d'invoquer Satan en supposant que Dieu interviendra pour l'arracher à ses griffes. Il suppose que le meilleur moyen d'attirer le Prince des Ténèbres est de construire un bâtiment susceptible de lui plaire et engage un architecte bien particulier pour cela. La déception est au rendez-vous pour le milliardaire qui décide de prendre les choses en main. Barker aurait pu étoffer sa nouvelle et entrer davantage dans les détails de la demeure délirante et démoniaque de Gregorius et ses exactions, il n'est après tout pas timide en la matière, mais il préfère aller droit au but sans s'attarder jusqu'à une fin ambiguë.

Barker ne rechigne pas devant le sanguinolent, ce n'est pas le seul fluide récurrent chez lui mais jusque-là ce volume était plutôt calme niveau sexe. Survient The Age of Desire qui tape en plein dedans puisque des scientifiques à la recherche d'un aphrodisiaque efficace testent leur produit sur un humain sans précautions d'usage. Avec des résultats qui ne se font pas attendre et un pauvre gars lâché dans la nature près à faire subir les derniers outrages à quiconque croise sa route. L'auteur essaie tout de même d'introduire un zeste de réflexion entre deux viols ou tentatives de viols qui m'a un peu laissée de marbre, je l'avoue.

Selon son degré de tolérance face à certains sujets ou leur traitement, on préférera certaines nouvelles à d'autres mais le niveau reste très homogène, même les histoires les plus convenues contenant une petite patte barkerienne.