Un vieux cinéma dans lequel la frontière entre réalité et fiction devient poreuse, une créature ancienne qui se réveille dans la campagne anglaise, une vengeance d'outre-tombe, une croisière qui tourne mal et un gigolo confronté à un double de lui-même... Les Livres de Sang continuent de renfermer des histoires cauchemardesques.

Clive Barker avait frappé fort d'entrée de jeu avec le premier volume des Livres de Sang et en comparaison, ce troisième paraîtrait presque sage, que ce soit dans la manière d'aborder des thèmes classiques de l'horreur ou dans ses descriptions qui ne rechignent pas devant les écoulements de fluides divers mais qui ne vont pas aussi loin que précédemment. Quand on a lu certaines de ses œuvres à venir, on sait déjà que le monsieur n'en était pas à mettre de l'eau dans son vin. Tout simplement n'éprouvait-il peut-être pas le besoin d'en rajouter encore pour être fidèle à sa réputation. On a quoi qu'il en soit droit à cinq nouvelles supplémentaires.

Son of Celluloid montre un évadé de prison se réfugier dans un cinéma où il ne tarde pas à décéder dans sa cachette. Les employés de l'établissement sont alors confrontés à la disparition d'un spectateur et en partant à sa recherche, font face à des figures mythiques du cinéma qui s'échappent de la toile. Le résultat offre quelques scènes amusantes comme une plongée dans le western mais comme souvent, la créature affrontée est peu ragoûtante. Une fois n'est pas coutume, on voit l'émergence d'une vraie héroïne qui ne paie pourtant pas de mine.

On poursuit avec Rawhead Rex. Clive Barker, contrairement à certains de ses collègues britanniques comme Ramsey Campbell ou Kim Newman, ne semblait pas très intéressé par l'horreur folk dans la campagne anglaise, pourtant source de récits mémorables. À lui les univers urbains ou, quand il s'aventure dans les coins désolés, les préfère éloignés de son pays natal. Ici, il y vient pourtant avec l'histoire du réveil d'une entité ancienne retenue prisonnière pendant des siècles sous un champ. Quelques morts bien cruelles alors que l'ordre est rétabli en appelant à la rescousse un autre type de divinité précédant l'arrivée du christianisme sur l'île.

Dans Confession of a (pornographer's) shroud, on suit les mésaventures d'un brave comptable bien catholique et rangé qui sert de fusible à des gangsters pour qui il a travaillé sans chercher à connaître leurs activités et se retrouve avec sa réputation dans le caniveau. Le paisible et inoffensif bonhomme prend les armes et quand sa vengeance tourne mal, ne s'arrête pas à une contrainte aussi secondaire que la mort pour poursuivre sa mission. Une revanche d'outre-tombe menée encore une fois par quelqu'un d'improbable face à des ennemis que l'on ne plaindra pas, le tout saupoudré d'un peu d'humour.

Scape Goats est probablement la nouvelle la plus convenue de tout ce qu'a écrit Barker, avec quatre jeunes qui naviguent dans les Hébrides et s'échouent sur une île inconnue, avec des tensions, des coucheries et des filles en bikini (dans les Hébrides... c'est sans doute la Méditerranéenne qui parle mais... en bikini dans les Hébrides?). L'un d'eux va déranger ce qui ne devrait pas l'être, les conséquences arrivent vite.

Human Remains ferme le ban avec l'histoire d'un gigolo inquiet de son avenir qui accepte une invitation chez un archéologue. Ce dernier possède ce qui ressemble à une mystérieuse statue et décline finalement les services du jeune homme. Quelque temps après, le protagoniste est accusé d'agression et découvre qu'un étrange personnage adopte ses traits avec de plus en plus de netteté. Cette nouvelle est plus intéressante avec une belle réflexion sur l'humanité et le vieillissement, finalement plus touchante qu'effrayante ou même sanglante.

Ce troisième volume ne comporte pas de scènes-choc marquantes et pourrait facilement paraître moins inspiré. Un verdict probablement trop sévère et lié au niveau des précédents car la qualité reste au rendez-vous même si l'effet de surprise, lui, n'y est plus.