Le Docteur arrive à Londres en 2023 pour y fêter Noël et repère vite Ruby Sunday, une jeune femme poursuivie par la poisse depuis plusieurs semaines. Pour le Seigneur du Temps, il y a plus qu'une maladresse et il soupçonne que quelqu'un s'intéresse à elle de très près. Pourtant, en dépit d'être comme lui une enfant trouvée, Ruby ne semble avoir rien de particulier... Cette coïncidence suffirait-elle?

2017. Il faut remonter à 2017 pour le précédent épisode de Noël de Doctor Who, Chris Chibnall, ce monstre, ayant décidé tel le shérif de Nottingham dans Robin des Bois: Prince des Voleurs d'annuler les fêtes de Noël. Au moins pour les fans de la série. Bon d'accord, à la place on avait un épisode du Nouvel An, changement plus cosmétique qu'autre chose mais on avait l'impression qu'il n'y allait que d'une fesse et seul Eve of the Daleks méritait qu'on s'en souvienne. C'était son dernier, autant finir sur une bonne note. Voilà donc un retour à une tradition instaurée par Russell T. Davies il y a bientôt vingt ans et encore une fois, cette tradition est l'occasion de partir sur de nouvelles bases. L'arrivée d'un nouveau Docteur est souvent vue comme l'occasion d'offrir un point d'entrée à un nouveau public mais c'est surtout celle d'une nouvelle compagne de voyage qui facilite ce renouvellement, puisqu'elle permet de réexpliquer les règles au fil des épisodes. Quand on peut cumuler les deux, c'est l'idéal. Le lourd passé du héros était plus ou moins évacué l'épisode précédent en laissant le quatorzième Docteur faire sa thérapie, voici donc Fifteen, léger et souriant sans être amnésique pour autant, prêt à faire ses véritables débuts.

Les épisodes de Noël sont rarement les plus réussis même si certains sont d'un très bon niveau. Ici, on opte pour une approche très fantasy avec des Gobelins mangeurs d'enfants flottant sur les vagues du Temps dans un navire volant. Comme avec les Carionites du Shakespeare Code, le Docteur a beau expliquer qu'il n'est pas question de magie mais d'un langage scientifique différent (et à ce propos, le mot mavité semble là pour rester), on ne va pas vraiment plus loin que des petites créatures mythologiques malfaisantes, qui font d'ailleurs davantage penser à des Gremlins avec leur plaisir de tout saboter. L'intrigue elle-même n'a rien de révolutionnaire et souffre de longueurs avec une mise en place qui traine, un coup de mou avant le dernier acte tandis que le Docteur met plusieurs minutes à réaliser quelque chose qui saute aux yeux mais il remplit son office avec quelques moments amusants comme l'intermède musical et surtout les deux points principaux: montrer une bonne fois que Ncuti Gatwa peut porter la série et présenter sa toute première Compagne de voyage, Ruby Sunday.

Sur le premier point, on en avait déjà eu un aperçu dans l'épisode précédent mais Ncuti Gatwa est très à l'aise et possède le charisme suffisant pour qu'on le suive sans la moindre réticence. Son Docteur est souriant et charmeur mais capable de montrer pas mal d'émotion. J'attends de le voir dans les moments qui exigeront un Docteur en colère et capable d'effrayer ses ennemis comme son entourage mais ses débuts sont très solides. Quant à Millie Gibson, physiquement elle me rappelle énormément Jenna Coleman avec une teinture blonde ce qui est perturbant même si son personnage a l'air plaisant et qu'elle est pétillante sans être agaçante. Un parallèle est fait sur le statut d'enfants trouvés du Docteur et de Ruby, y verra-t-on seulement un point commun pour forger des liens ou y-a-t-il plus? Le Docteur ne cherche en tout cas pas à découvrir l'identité de la mère de Ruby quand il en a l'occasion. Peut-être attend-il que la requête vienne de Ruby elle-même.

Autres interrogations ou points qui me chagrinent. On le sait, Disney+ a désormais les droits de diffusion à l'international même si la BBC s'en occupe encore sur son sol (encore heureux). Était-ce nécessaire de nous le rappeler encore une fois à la fin de l'épisode alors que c'était déjà le cas du 60e anniversaire? Des fois qu'on oublie l'hégémonie de Disney. La prochaine saison devrait d'ailleurs être pour la troisième fois dans l'histoire de la série la n°1, clairement pour ne pas effrayer de nouveaux spectateurs abonnés à la plate-forme à l'idée qu'une saison 14 solliciterait trop de connaissance et j'avoue avoir du mal à me résoudre à prendre le pli. D'ailleurs, quand la voisine de Ruby brise le quatrième mur, faut-il y voir là-aussi un message au nouveau public que l'on attire ou est-ce davantage lié à l'intrigue à venir (future-ex-compagne du Docteur pas surprise par un TARDIS ou agent du Boss mentionné dans The Star Beast)?

Bien que le scénario ne soit pas très élaboré et le rythme languissant par instant, The Church on Ruby Road réussit l'essentiel de sa mission: convaincre de suivre le Docteur dans ses nouvelles aventures pour mieux le connaître et le flanquer d'une compagne dégourdie et sur laquelle reposent suffisamment de questions pour ajouter un petit mystère.