Rédacteur-en-chef du New York Express, Mark Chapman en a fait augmenter les ventes en le transformant en journal à scandales particulièrement orienté vers les affaires de meurtres. McCleary, un jeune reporter sans scrupules, est son protégé. Quand Chapman commet lui-même un meurtre, pour ne pas attirer les soupçons, il laisse McCleary couvrir l'enquête.

Un coup d'œil à la filmo de Phil Karlson donne l'impression de voir un réalisateur tournant à la chaîne, avec parfois jusqu'à six sorties en un an. Généralement des westerns et des films noirs et dans le tas, on peut tomber sur des petits bijoux comme Le Quatrième Homme. L'inexorable enquête, Scandal Sheet de son titre original, se base sur rien d'autres qu'une histoire de Samuel Fuller, et ne perd pas de temps pour nous mettre dans le bain: on découvre McCleary pigeonnant la sœur d'une victime d'un meurtre particulièrement sanglant pour obtenir un scoop. Ses méthodes en font le chouchou de son rédac-chef tandis que sa collègue Julie Allison, seule journaliste intègre encore en place, ne cache pas sa désapprobation face à l'évolution récente du New York Express. Quant à Mark Chapman, il pense avant tout aux ventes et pour cause: sitôt dépassée la barre des 750000, il touchera une jolie prime. Vous sentez arriver la chute ironique?

Les personnages, auxquels il faut ajouter Charlie Barnes, ancien prix Pulitzer au chômage et alcoolique que seule Julie aide et qui espère vainement être engagé par Chapman, sont donc en place. Une vieille connaissance de Chapman ressurgit alors mettant sa réputation en péril, et le bon rédac-chef n'hésite donc pas à tuer pour assurer sa tranquillité. C'est sans compter sur la rapidité avec laquelle McCleary flaire les scènes de crime et voilà Chapman obligé de laisser son poulain mener son enquête sans quoi ses réticences paraitraient suspectes. Une bonne partie de l'intérêt du film repose alors sur le tueur, qui voit à la fois le limier qu'il a formé se rapprocher de plus en plus de la vérité et à la fois garde un œil sur l'avancée de l'enquête, afin de contre-attaquer pour effacer les pistes... et les encombrants.

La tension est particulièrement bien gérée, on tremble pour Barnes avide de faire ses preuves pour retrouver sa place, on admire Julie qui est la seule de tous les protagonistes à garder les pieds sur terre et le sens des priorités dans cette affaire, et on a régulièrement envie de secouer McCleary en espérant qu'il écoutera qui il faut et ne parlera pas de ses découvertes à qui il ne faut pas. Son évolution de "fouille-merde" à enquêteur voulant démasquer le coupable pour faire triompher la justice et non obtenir la gloire d'un gros scoop est cependant très rapide (une ligne de dialogue avec Julie pour expliquer son changement de motivation et voilà) mais c'est le revers d'un scénario concis. En plus d'un bon petit suspense, L'inexorable enquête se double d'une critique des journaux à scandales avec des héros positifs ou qui finissent par le devenir mais la fin garde son ambiguïté: si McCleary a appris une leçon que Julie a déjà comprise, la conclusion laisse entendre que le sensationnel ne sera pas abandonné tout de suite...

Dans le rôle de Mark Chapman, Broderick Crawford est celui qui a le plus à faire, dominant sa rédaction et cependant de plus en plus aux abois alors que l'étau se resserre. John Derek est mignon comme tout mais manque peut-être un peu d'épaisseur pour vendre son évolution tandis que Henry O'Neill est touchant en reporter déchu rêvant d'un grand retour. Donna Reed tire aussi son épingle du jeu en repère moral au milieu de tous ces journalistes pensant aux ventes plutôt qu'à la qualité de leurs articles. Dommage que son personnage s'efface sur la fin pour donner plus de place à la confrontation nécessaire entre Chapman et McCleary.

Charge contre la presse à scandales, L'inexorable enquête est surtout un petit film bien ficelé au suspens certain quand bien même on se doute de l'issue pour Mark Chapman, où l'on ne perd pas une minute, tout étant au service d'une intrigue qui ne se conclut que dans ses toutes dernières secondes.