Robin doit refuser de s'occuper d'un cas soumis par Edie Ledwell, co-créatrice d'une websérie d'animation à succès, qui lui demande d'identifier Anomie, un individu qui la harcèle en ligne depuis des années et qui sait tellement de détails de sa vie personnelle qu'elle le soupçonne d'être un proche. Quelques jours plus tard, Ledwell est retrouvée poignardée dans le cimetière de Highgate.

Il serait largement temps que les tomes ne sortent plus avec indiqué sur la couverture "A Strike Novel" mais "A Strike and Ellacott Novel". Robin a toujours joué à part égale dans l'intrigue avec Cormoran même quand elle était simple secrétaire intérimaire, associée avec lui depuis le tome précédent, c'est encore plus flagrant. C'est en tout cas un plaisir de les retrouver tous les deux, cette fois-ci pris par une enquête où ils devront plonger dans les aspects sombres d'un fandom et démasquer Anomie, co-créateur d'un jeu inspiré de la série d'animation The Ink Black Heart, suspect n°1 dans une affaire de meurtre. Évidemment, on s'arrange vite pour restreindre le cercle des coupables potentiels, nos perspicaces mais humains détectives ne pouvant pas aller bien loin s'il s'agissait d'un cinglé parmi d'autres se cachant derrière un compte twitter et l'on tourne vite autour d'une communauté d'artistes (ou se rêvant tels) que fréquentait Edie Ledwell.

On a encore affaire à un sacré pavé mais dont les pages s'enchaînent sans effort, quand bien même on sent un certain plaisir à s'attarder sur des digressions, qui sont peut-être là pour prendre de l'importance plus tard (l'hospitalisation du père de Robin, par exemple, est tout à fait dispensable sauf s'il s'agit d'une alerte pour un décès à venir). Les vies de Cormoran et Robin sont explorées avec presque autant de soin que les méandres de l'enquête et cette fois-ci, Cormoran est encore mis en difficulté par son ex Charlotte tandis qu'il se lance dans une aventure qu'on devine sans lendemain. Pas vraiment ce qu'il y a de plus intéressant (tout ce qui tourne autour de Charlotte me saoulant en général) mais qui a le mérite de contribuer à ce que Cormoran fasse une petite mise au point sur son hygiène de vie et ses attentes. À suivre de ce côté.

L'enquête, en revanche, se révèle passionnante, plus vraie que nature par moment dans la description de certains échanges sur les réseaux sociaux, des dangers de ceux-ci ou encore des méthodes des groupuscules d'extrême-droite. Si la forme (chats en ligne, échanges twitter...) change un peu, on reste sur un whodunit classique et on a beau en avoir l'habitude, difficile de ne pas se faire avoir encore une fois: on écarte les personnages trop ouvertement déplaisants ou suspects d'emblée, on a notamment un retournement de situation excellent, à quelques pages de la fin on se dit que c'est tellement évident qu'on ne comprend pas pourquoi Strike et Robin ne sont pas plus réactifs... et naturellement, tout devient limpide une fois que la vérité éclate, en mode bon sang mais c'est bien sûr.

Comme le tome précédent, The Ink Black Heart est particulièrement touffu, menant de front une enquête principale alambiquée, des cas plus ordinaires pour faire tourner la boutique qui viennent la parasiter, et le développement plus personnel des deux personnages principaux. C'est parfois tellement bourratif qu'on craint l'indigestion mais toujours aussi bon.