Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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The Innocents
Ida emménage avec ses parents et sa grande sœur Anna dans un appartement de banlieue. L'été promet d'être long et ennuyeux entre deux blocs d'immeubles anonymes. Pourtant, Ida fait vite connaissance avec Ben, un garçon de son âge doté d'un petit pouvoir de télékinésie. Pendant ce temps, Aïcha, une fille du même quartier, parvient à nouer contact avec Anna par la pensée.

Ah, les enfants! Ils sont si mignons, si amusants, si altruistes, si prévenants! Donnez-leur des super-pouvoirs, tiens, qu'est-ce qui pourrait mal se passer? C'est ce que va nous montrer en deux heures ce film norvégien d'Eskil Vogt, encore qu'heureusement, il ne se borne pas à montrer les gamins comme de petits monstres. Des innocents, oui, dans le sens où ils ignorent encore beaucoup de choses fondamentales comme la différence entre Bien et Mal. Lorsque Ida s'installe dans un nouveau quartier où les terrains de jeu se bornent à un sous-bois, un terrain de foot en béton, un point d'eau et des coursives d'immeubles, elle ne voit pas comment elle pourrait faire autre chose que s'ennuyer, et tourmenter Anna, sa grande sœur autiste qui semble incapable de réagir même à la douleur, est vite lassant. Sa rencontre avec Ben, capable d'altérer la course de petits cailloux mais aux tendances encore plus sadiques que les siennes va amener un peu d'animation. Encore plus quand ils font la connaissance d'Aïcha, bien plus douce qu'eux et dont les talents pour entendre les pensées et les transmettre vont permettre à Anna de communiquer, tout en servant de vecteur qui renforce leurs pouvoirs respectifs.

Au cours d'un été ensoleillé, le fantastique émerge tranquillement, lentement, mystérieusement. On ne cherche pas à expliquer l'origine des pouvoirs de Ben et d'Aïcha, à savoir si Anna en avait avant d'emménager, si c'est le lieu qui stimule les enfants ou si leurs capacités sont innées. L'intérêt est de voir la petite bande découvrir ces dons et tester leurs limites, avant que le plaisir de la nouveauté ne tourne à l'horreur. Les caractères de Ben et Aïcha sont vite posés et les personnages ne varieront pas à partir de là tandis que le parcours d'Ida ne consistera pas à apprivoiser des pouvoirs qui contrairement aux autres membres du quatuor ne se manifestent pas mais à se défaire petit à petit de sa cruauté et protéger les autres. Le personnage ne manque d'ailleurs pas de nuances, malmenant sa sœur probablement par jalousie de la voir accaparer l'attention de sa mère et de la coincer à la maison pendant les vacances mais sans amertume alors qu'elle est la seule à ne pas se révéler télépathe ou douée pour la télékinésie.

L'angoisse s'installe peu à peu, la langueur de la saison et l'ennui qui baigne les lieux sont perturbés par une crainte sourde, où les adultes sont absents, inefficaces ou hostiles: la mère d'Aïcha tient à sa fille et s'intéresse à elle mais ne peut la protéger, celle de Ben le maltraite, le père d'Anna et Ida commence à nouveau travail et ne leur accorde qu'une attention ponctuelle tandis que leur mère se décharge souvent de la garde d'Anna sur Ida pour ensuite lui reprocher de ne pas la surveiller correctement. Pas étonnant, dès lors, que les enfants n'aient pas de repères, pourrait-on dire, ce qui n'est pas un propos très subtil mais comme toutes les fictions mettant en scène des enfants vivant des aventures parfois terrifiantes, The Innocents met surtout hors-jeu les aînés pour mieux laisser les jeunes résoudre eux-mêmes leurs problèmes. La deuxième heure du métrage instaure une jolie tension tout en gardant une fausse apparence de calme transpercée par des pointes de violence alors que Ben devient de plus en plus puissant et hostile.

Le cadre réaliste et terne choisi est particulièrement propice à une horreur qui s'installe de manière naturelle et les acteurs participent entièrement à cette immersion dans l'ordinaire qui sombre petit à petit. Les quatre jeunes acteurs, en particulier Rakel Lenora Fløttum et Sam Ashraf, sont crédibles, loin des mini-adultes aux attitudes et réflexions trop étudiées que l'on croise trop souvent dans les œuvres mettant en scène des enfants (le Bode de l'adaptation de Locke and Key me donne encore des cauchemars). Les adultes ne sont pas en reste bien que forcément plus en retrait et cantonnés à jouer l'indifférence ou l'inquiétude.

The Innocents, relecture du thème de la découverte de super-pouvoirs, opte pour un angle d'attaque propre à provoquer les frissons plutôt que l'émerveillement tout en suivant une héroïne s'extirpant de l'amoralité de l'enfance, sans effets spectaculaires mais en installant une atmosphère de plus en plus étouffante.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 7 Mai 2023, 19:05bouillonnant dans le chaudron "Films".