Né à la fin du XIXe siècle, Louis "Lepke" Buchalter suit une scolarité exemplaire avant de basculer dans la petite délinquance puis le crime de grande envergure. Avec son complice Gurrah Shapiro, il s'assure la main-mise sur divers syndicats et ne fait pas dans la dentelle pour se débarrasser de ceux qui résistent à son racket. Quand le procureur Thomas Dewey se penche sur son cas, Lepke doit se résoudre à faire profil bas mais est déjà devenu trop encombrant.

Se procurer tous les tomes de cette série épuisée depuis quelques années n'est pas une mince affaire, surtout à un prix pas trop délirant et dans des conditions correctes (je ne sais pas si c'est moi qui ait un problème mais j'ai du mal à acheter des livres qui viennent d'une collection de bibliothèque...). Ce cinquième volume de la série, qui contrairement au précédent ne fait pas partie d'un diptyque, est particulièrement difficile à trouver mais enfin, je l'ai. Il peut se lire indépendamment, se centre sur le personnage de Lepke Buchalter déjà croisé ici et là mais il est conseillé d'avoir lu au moins Murder Inc. avant car la chute de Reles brièvement rappelée n'est pas sans conséquence sur celle de Lepke.

En effet, comme tous les tomes de cette série jusqu'ici et contrairement à la précédente, Ce qui est à nous, qui montrait surtout les débuts parfois laborieux et la montée en puissance de quelques grands noms de la pègre, on a ici un schéma classique d'ascension et de chute, synthétisée en un seul volume. Un volume très documenté une fois encore et qui s'intéresse cette fois-ci aux liens entre la mafia, les syndicats et le patronat, les gangsters étant selon les occasions engagés pour briser des grèves ou au contraire les favoriser selon qui payaient le mieux. Le flair de Lepke par rapport à ses prédécesseurs a consisté à ne pas travailler à la commission mais à placer des hommes à lui dans diverses organisations pour y donner le la.

Trop de succès et trop de morts pour y parvenir attirent l'attention et l'on retrouve le tenace Dewey sur sa piste, tombeur entre autres de Waxey Gordon (sujet déjà évoqué dans un tome précédent) et de Luciano (c'est pour l'album qui suit), ce qui n'est pas sans contrarier les partenaires et collègues de Buchalter qui n'ont rien contre lui mais goûtent peu aux investigations qu'il déclenche. Tout cela va donner lieu à un jeu de dupes où Buchalter va être incité à opposer la loi fédérale à celle de son État et donc passer un marché avec Hoover... Mauvais calcul qui s'avérera fatal.

Le scénario est passionnant mais touffu, encore plus peut-être que d'habitude même si étaler l'histoire sur deux tomes auraient été superflus. Le dessin de Le Saëc est toujours précis et Lou succède à Scarlett à la couleur, restant dans sa lignée de tons mais de manière plus douce et moins tranchée.

Lepke poursuit donc la série avec toujours le même sérieux et le même soucis du détail. Il est dommage que ce cycle soit si difficile à se procurer car il est plein de qualités et ce tome quasi-insaisissable ne fait pas exception.