Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Ne vous retournez pas
Encore éprouvés par la mort de leur fille Christine, John et Laura Baxter se rendent à Venise où John doit superviser la restauration d'une église. Ils font la connaissance d'une médium qui leur assure que leur enfant est toujours avec eux. Sceptique, John croit cependant apercevoir celle-ci à plusieurs reprises.

Quelques mois avant la naissance de ce blog, j'avais fait un petit voyage en Italie avec une amie durant lequel nous avions visité plusieurs villes, dont Venise. À notre retour, discutant de notre périple avec une de nos anciennes profs, celle-ci nous demanda quelle ville nous avions préféré et nous avions répondu Venise en chœur. Notre prof nous a alors répondu que pour sa part elle préférait Rome car elle trouvait la Cité des Doges morbide. Sur le moment, j'avais trouvé cette réflexion étrange, avec le recul je la comprend mieux et après avoir vu ce film, je dois dire que la Sérénissime se prête admirablement à servir de décor pour une inquiétante histoire telle que celle narrée dans ce film de Nicolas Roeg, basé sur une nouvelle de Daphné Du Maurier.

On suit donc un couple récemment endeuillé qui va se retrouver perdu à Venise, non pas dans ses rues labyrinthiques à proprement dit, encore qu'elles participent occasionnellement à la désorientation générale, mais dans leur perception du réel: Laura a envie de croire à ce que racontent Heather, la voyante aveugle, et sa sœur Wendy mais sont-elles sincères? John ne croit guère à leurs élucubrations, et pourtant c'est lui qui suivra la petite silhouette vêtue de rouge rappelant le ciré que portait sa fille au moment de sa mort. Le film est à la fois un drame familial sur un deuil insurmontable, un film fantastique et un film de serial-killer car les Baxter vont croiser plusieurs scènes de crime durant leur séjour. S'il faut saluer la magnifique photo d'Anthony B. Richmond, ce qui frappe sans doute le plus est l'utilisation du montage.

En effet, celui-ci, qui entrecoupe certaines scènes de flashs qui ne sont pas toujours dans l'ordre chronologique, contribue à semer doute et désorientation: par exemple, un bref plan d'Heather et de Wendy riant pour ne pas dire ricanant dans leur chambre alors que Laura commence par ailleurs à leur faire confiance. Il illustre également le lien psychique entre les différents personnages, particulièrement dans la scène d'ouverture et le climax. En effet, Heather n'est pas à la seule à qui l'on peut prêter certains pouvoirs et au début du film, les plans des enfants jouant dehors et des parents à l'intérieur se répondent de manière de plus en plus flagrante jusqu'à ce que John sache que sa fille est en danger de mort, alors qu'un peu plus tôt la chute de vélo de son fils n'avait rencontré aucun écho. Le climax du film va de son côté montrer tous les personnages sentir le danger qui plane, Heather bien sûr mais également l'évêque qui emploie John, resté toujours en marge du récit mais qui ici ne trouve pas le sommeil, comme si lui aussi avait conscience d'une tragédie à venir.

Pourtant, ce lien télépathique n'aide personne. Au contraire, ce qui ressort est le décalage total entre les personnages. Les personnages principaux et leur environnement, d'abord (même si John parle un peu italien, il a parfois du mal à comprendre les gens qu'il rencontre et on ne saisit pas toujours ce qu'ils veulent) et les personnages principaux entre eux, qui se croisent, pensent se voir, se ratent: John s'imagine que Laura est rentrée en Angleterre, puis qu'elle est restée à Venise et même quand elle l'appelle il n'est pas encore sûr qu'elle a vraiment pris l'avion et que la situation est clarifiée. Laura cherche à retrouver son mari à l'hôtel, on la conduit à la place au commissariat où on lui assure qu'il se trouve, tout cela pour qu'elle ait une étape de retard sur lui durant toute la dernière partie. L'inspecteur fait suivre John mais pas quand celui-ci en aurait besoin, dresse des portraits-robots foireux, John lui-même ne comprend pas ce qu'il voit et ne sait s'il doit croire ce qu'il voit de toute façon... Les protagonistes tournent en rond sans vraiment se rejoindre ou le font au mauvais moment et sont comment enfermés dans un univers de faux-semblant, autant que dans les reflets de miroir qui apparaissent régulièrement.

Lent, lancinant et fascinant, Ne vous retournez pas mène habilement son monde en bateau (en vaporetto?) jusqu'à un final horrifique et inoubliable qui déstabilise durablement.
potion préparée par Zakath Nath, le Mardi 20 Juillet 2021, 18:27bouillonnant dans le chaudron "Films".