Orphelin, Syffe grandit dans une ferme aux côtés d'autres enfants privés comme lui de leurs parents. La vie s'écoule entre travaux des champs et petits larcins jusqu'au jour où malgré lui, il doit travailler pour le compte du seigneur local et se retrouve entraîné dans des luttes de pouvoir qui vont le contraindre à fuir.

Un univers médiéval, un jeune garçon orphelin, une période de paix précaire qui touche à sa fin et une menace encore inconnue qui se profile tout au loin... Peut-on encore en 2018 arriver avec des ingrédients aussi cuits et recuits? La réponse est évidemment oui, quand on sait y faire. Et Patrick K. Dewdney, auteur anglais établi de longue date en France et écrivant en français, sait y faire, à en juger par ce premier tome (sur sept prévus). Il y a un peu de L'Assassin royal au premier abord, avec une narration à la première personne d'un personnage se rappelant ses jeunes années où on lui a confié des missions aussi ardues que louches mais Dwedney impose sans peine son style.

L'auteur a en effet une belle plume, travaillée sans être chichiteuse (on peut toutefois regretter la tendance des personnages à "feuler" dans les dernières pages) et l'univers posé, que l'on ne fait pour l'instant qu'entrevoir, laisse déjà paraître une richesse certaine sans que les idées amenées soient novatrices. Avec encore six livres pour le développer, on peut en tout cas deviner une sérieuse ambition et le surnaturel étant pour l'instant fort ténu, on peut supposer qu'il reste encore beaucoup à découvrir.

Quelques bémols cependant: on a souvent du mal à croire que Syffe, au début de l'histoire, a seulement huit ans. On miserait plus volontiers sur un garçon âgé de deux à quatre ans supplémentaires, une explication selon laquelle dans le contexte un gamin deviendrait plus vite mature et dégourdi ne suffisant pas à convaincre. De plus, la suite pourra démentir cette impression mais le personnage de Brindille, amour d'enfance de Syffe, risque fort de devenir un boulet, non par ses propres actions ou sa personnalité mais en entraînant le protagoniste sur une voie dangereuse pour la sauver alors qu'il a mieux à faire et qu'elle n'est pas la compagne faite pour lui. Syffe se retrouve d'ailleurs dans les dernières pages dans une situation catastrophique précisément parce qu'il s'est mis en tête d'aller la chercher, un désir fort compréhensible mais qui peut rendre Brindille agaçante pour le lecteur malgré elle. On verra bien.

Voilà en tout cas un premier tome réussi et intrigant tout en restant classique, qui entame une saga dont on espère qu'elle tiendra ses promesses.