Quand Stéphen Orlac, pianiste virtuose, est gravement blessé dans un accident de train, son épouse Rosine presse le brillant chirurgien Cerral de tout entreprendre pour le sauver. Cerral y parvient, mais les mains très abîmées d'Orlac mettent du temps à se rééduquer et Rosine commence à remarquer des événements étranges entourant son époux.

Publié il y a un siècle, Les Mains d'Orlac a rencontré suffisamment de succès pour donner lieu à plusieurs adaptations, quelques parodies et œuvres dérivées. Néanmoins, si le thème évoque quelque chose à tout le monde (un pianiste perd ses mains et se fait greffer celle d'un tueur et ce qu'il perd dans l'exécution de La Marche Turque, il le gagne au maniement du couteau), quand on revient au roman qui n'est plus trop lu de nos jours, il ne se déroule pas tout à fait comme l'on pourrait s'y attendre.

Pendant une bonne partie de l'histoire, Orlac n'est vu que de loin et se montre distant et préoccupé. On suit bien plus et dès le début sa femme, Rosine. Après une séquence d'ouverture spectaculaire et horrible où elle arrive sur les lieux de l'accident du train, elle a fort à faire, entre la dépression apparente de son mari qui ne retrouve plus sa dextérité d'antan et les problèmes d'argent du ménage qu'elle doit entièrement gérer. Sans parler des apparitions spectrales dont elle est témoin. C'est d'ailleurs là que le roman peut se révéler surprenant, alors que l'on s'attend à suivre Orlac et ses mains tueuses incontrôlables, pendant une bonne partie de l'intrigue la source du problème semble davantage de nature fantomatique et impliquer une bande de malfaiteurs. Peu à peu, tout se dévoile et paradoxalement, si Renard offre un dénouement "rationnel", le pourquoi du comment est bien plus tiré par les cheveux que si on s'en était tenu à une explication certes surnaturelle mais plus directe.

Bien que le style soit désuet et malgré son aspect capillotracté, Les Mains d'Orlac fait partie de ces livres qui montrent bien que le fantastique, le merveilleux, l'épouvante ou la science-fiction à la française sont des genres présents depuis belle-lurette et qu'ils ont été sources d'inspiration bien au-delà de l'Hexagone, et le roman mérite largement d'être redécouvert.