Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


mon compte twitter mon tumblr mon compte bétaséries



Les aventuriers de l'article perdu

Archive : tous les articles

Principaux grimoires

Inventaire des ingrédients

Ce qui mijote encore

Potion précédente-Potion suivante
Les Innocents
Miss Giddens accepte un poste de gouvernante dans le magnifique manoir de Bly. Elle doit s'occuper de deux enfants charmants, Miles et Flora, mais bientôt des apparitions inquiétantes et le comportement des enfants dont elle a la charge commencent à l'alarmer.

J'ai lu deux fois, à plusieurs années d'intervalle, Le Tour d'écrou d'Henry James dont ce film est l'adaptation. J'en ai eu une lecture très différente à ces deux reprises: lors de la première, j'ai adopté le point de vue de la narratrice sans le remettre en question et pris le court récit tel qu'elle le présentait, une histoire de manoir et d'enfants hantés par les fantômes du valet et de la précédente gouvernante au comportement malsain. La fois suivante, sans volonté particulière de considérer l'histoire sous un autre angle, j'avais au contraire eu l'impression dès le début que tout se déroulait dans la tête de la gouvernante, profondément perturbée. J'ignore s'il y a vraiment moyen de trancher, s'il y a une preuve irréfutable que l'aspect fantastique est bien présent ou si l'on décrit la chute dans la folie d'une femme, ou si l'on joue délibérément sur une ambiguïté où les deux lectures seraient tout aussi valables. Les Innocents est une adaptation fidèle au texte de James, mais le réalisateur, Jack Clayton, devait forcément avoir son avis sur la question et j'étais curieuse de voir comment il allait le rendre à l'écran.

Finalement, le résultat conserve une certaine ambiguïté. Il y a des plans sur le visage de Flora qui ne peut pas être vu par Miss Giddens et qui montrent la petite fille fascinée par quelque chose hors-champs, qui peut être Miss Jessell. Il est aussi indubitable que Miles est perturbé, et que Peter Quint n'est probablement pas étranger à cet état de fait, qu'il ne s'agit pas là d'un fantasme de Miss Giddens. Quoiqu'il en soit, on n'a jamais l'assurance que Flora voit quoi que ce soit de surnaturel, et le personnage de Miss Grose semble mettre en valeur le comportement irrationnel de Miss Giddens. Comme pour le livre, il y a peut-être des indices qui m'ont échappé mais de mon point de vue il est difficile d'avoir une opinion bien établie sur la question.

Aucune des deux options ne rend le film moins inquiétant et dérangeant, ce qui est finalement le principal. Clayton parvient à merveille à donner au manoir un aspect trompeusement idyllique puis véritablement angoissant, avec les statues étranges dans le jardin, et les deux enfants restituent également cette dualité, en particulier Miles, interprété par Martin Stephens (qui avait précédemment joué dans Le Village des Damnés, autant dire que les gamins mignons mais flippants, il connaissait). Est-il possédé, son comportement est-il le résultat de l'emprise que Quint avait sur lui de son vivant même s'il est désormais bel et bien mort, est-ce seulement un gamin ordinaire qui peut donc parfois être cruel parce que les enfants ne sont pas angéliques? Le jeune acteur passe facilement d'un aspect à l'autre et ses rapports avec Miss Giddens ont de quoi mettre mal à l'aise par moment.

Cette dernière est jouée par Deborah Kerr, qui jusque-là était pour moi avant tout le love-interest de quelques films épiques hollywoodiens face à des acteurs comme Stewart Granger ou Robert Taylor. Des rôles où elle n'était pas mauvaise mais où elle me paraissait tout de même un peu sèche. Ici elle est impeccable en gouvernante se démenant pour protéger les enfants d'un danger qu'elle est la seule adulte à percevoir, tout en étant, peut-être, elle-même une menace qui s'ignore.

Près de soixante ans après sa sortie, Les Innocents est toujours un bijou d'adaptation, un des grands films sur la hantise. Il sera intéressant de voir ce que Mike Flanagan fera du livre pour The Haunting of Bly Manor, sa relecture de The Haunting of Hill House ne m'ayant pas tout à fait convaincue.
potion préparée par Zakath Nath, le Dimanche 8 Mars 2020, 17:25bouillonnant dans le chaudron "Films".