Au début du XXe siècle, un jeune climatologue est déposé pour un an sur une île de l'Atlantique sud, avec pour seule compagnie un étrange gardien de phare et une horde de monstres marins qui sortent de l'océan à la nuit tombée pour s'attaquer aux humains.

Bien que ce court roman ne laisse pas beaucoup de place au répit pour ses deux personnages principaux, La Peau Froide ne vise pas à être un thriller horrifique où les protagonistes se contenteraient d'affronter assaut sur assaut de créatures affamées et décérébrées. Les affrontements sont certes nombreux, entre humains et "faces de crapaud" (leur peuple a évidemment un nom, mais il faudra du temps au narrateur à le réaliser), mais aussi entre le narrateur et son compagnon d'infortune, déjà rompu aux usages de l'île et à la personnalité nettement plus rustre. Le narrateur se présente pour sa part comme un homme éduqué, élevé notamment par un tuteur aux méthodes particulières (après la lecture de Victus je soupçonne Albert Sánchez Piñol d'apprécier ce type de personnage) mais ce bagage sera d'une utilité toute relative sur l'île. En fait, son intérêt scientifique pour la "mascotte" met surtout mal à l'aise puisqu'il n'hésite pas à la frapper pour qu'elle se plie à son examen (et quand il comprendra enfin qu'elle est plus qu'un simple animal, cette brutalité ne s'effacera qu'un temps).

Difficile donc de trouver le protagoniste sympathique, et bien des questions restent en suspens (comment a-t-on pu construire des bâtiments sur cette île si chaque nuit les créatures attaquent, de plus en plus nombreuses? Sans doute ne faut-il pas chercher une solution rationnelle à une histoire dont la base est juste un prétexte à un affrontement philosophique... Pourquoi la mascotte reste-t-elle avec les humains, sans chercher à aider ses congénères? Le narrateur suggère qu'elle est une exilée volontaire, tout comme lui, mais cela parait mince).

On assiste en tout cas à un affrontement entre civilisation et barbarie, entre deux espèces, entre deux hommes et dans, l'évolution du narrateur même, les lignes devenant vite beaucoup moins évidentes que prévu, ce qui rend la direction que prend le récit parfois très prévisible, mais il demeure néanmoins prenant.