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Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Chernobyl
Aux petites heures de la nuit du 26 avril 1986, les pompiers de la ville de Prypiat sont envoyés à la centrale voisine de Tchernobyl éteindre un incendie. Ce dernier n'est pas ordinaire, puisqu'un des réacteurs a en réalité explosé...

La catastrophe de Tchernobyl fait partie de ces événements dont on a tous entendus parler mais que l'on connait, à moins d'avoir un intérêt particulier pour le sujet, uniquement dans les grandes lignes. Cette mini-série en cinq épisodes, scénarisée par Craig Mazin, est un bon moyen d'en apprendre plus. Évidemment cela reste une fiction, et si elle est solidement documentée il ne faut pas prendre tout ce qui est montré pour argent-comptant. Mazin a d'ailleurs tenu un podcast après chaque épisode pour expliquer ses choix lorsqu'il s'agissait de faire des entorses à la réalité historique. Néanmoins, la méticulosité de la reconstitution frappe d'entrée de jeu, et le challenge de rendre tous les événements compréhensibles pour les béotiennes comme moi qui ignorent à peu près tout du fonctionnement d'une centrale est parfaitement rempli: les explications sont très pédagogiques tout en passant naturellement dans les dialogues.

Un des nombreux points remarquables est la manière dont le désastre est illustré: il n'est pas amené comme dans un film-catastrophe classique, en faisant monter ma sauce jusqu'à l'explosion, celle-ci est montrée en arrière-plan, par la fenêtre d'une habitante de Prypiat, et on enchaîne directement sur ses conséquences. On découvrira plus tard comment on en est arrivé là. Chaque épisode se concentre sur un point particulier: gestion immédiate de l'accident, prise en charge par le gouvernement, sort des pompiers et des employés de la centrale exposés au plus fort des radiations, travail des liquidateurs, procès des responsables... On suit plusieurs personnages, notamment Valery Legasov, scientifique dépêché sur les lieux pour estimer la gravité de la situation et donner des conseils sur les mesures à prendre, Boris Shcherbina, vice-président du Conseil des Ministres, ou encore Ulana Khomyuk, scientifique chargée de l'enquête sur les circonstances de l'explosion. Il s'agit du seul personnage fictif important, qui synthétise plusieurs dizaines de personnes, pour des raisons pratiques évidentes, bien que du coup elle paraisse s'introduire dans l'action de manière un peu artificielle.

C'est bien l'un des rares défauts que l'on pourrait pointer du doigt, car Chernobyl est une réussite comme on en voit peu, une de ces œuvres où il n'y a pas un point plus faible pour laisser sur sa fin: le scénario est habile, la réalisation de Johan Renck à la fois sobre, clinique, maintenant une tension de tous les instants: il y a par exemple un plan-séquence sur un toit qui est loin d'être le plan-séquence le plus long qu'on ait vu, ou qui nécessite le plus de virtuosité pour balader sa caméra dans des endroits improbables, mais il vous fera passer 90 secondes en apnée. La musique de Hildur Guðnadóttir contribue aussi à l'ambiance, atmosphérique et ponctuée par le grésillement d'un compteur Geiger qui donne des sueurs froides.

Quant au casting, on sent la patte de Nina Gold au nombre de visages croisés dans Game of Thrones ou The Crown, et tout le monde est absolument impeccable. Après The Terror l'année dernière, Jared Harris semble se spécialiser dans la désespérance de qualité, Stellan Skarsgård s'illustre aussi en membre du gouvernement tout d'abord dédaigneux des avertissements de Legasov mais qui va prendre la mesure de ce qui se passe vraiment et tenter d'agir en conséquence, mais en fait la moindre gueule venue pour une scène de quelques minutes va marquer.

Chernobyl est une fiction historique, pas une série d'épouvante, et pourtant elle met plus mal à l'aise que bien des métrages du genre. Il y a bien sûr des moments graphiquement éprouvants comme l'effet des radiations sur certains personnages (et le plus horrible après ça est quand on préfère ne pas nous montrer le visage d'Akimov, en expliquant qu'il n'en a plus... mais est toujours conscient. Si c'est même trop pour HBO...) mais ce qui est le plus pesant est finalement l'ambiance, la peur des personnages de dire ce qui se passe vraiment, des conséquences possibles. La dernière scène entre Legasov et le chef du KGB n'est d'ailleurs pas sans évoquer la fin de 1984.

Car au-delà de la catastrophe elle-même et des fausses manœuvres qui l'ont provoquée, ce qui est dénoncé n'est pas vraiment les dangers du nucléaire (même si on a une bonne vision de ce qui peut arriver de pire quand cette énergie échappe à tout contrôle): ce sont plutôt tous les mensonges pour conserver une apparence de puissance, toutes les craintes de sanction à l'idée de faire des vagues, qui sont condamnés, et il y a donc un propos bien plus large qui se dégage, et qui ne concerne donc pas un événement et un régime précis, avec l'idée rassurante que oui, c'était horrible, mais qu'au moins on ne refera pas les mêmes erreurs. Les fictions historiques en disent généralement autant sur leur sujet que sur l'époque à laquelle elles sont écrites et celle-ci ne déroge pas à la règle.

Chernobyl se classe sans problème dans les meilleures séries de l'année, peut déjà faire office de véritable modèle en matière de fiction historique, mais son visionnage se révèle si éprouvant qu'il est conseillé d'avoir le cœur bien accroché avant de s'y lancer.
potion préparée par Zakath Nath, le Mercredi 5 Juin 2019, 21:50bouillonnant dans le chaudron "Séries tv".