La reine Anne, dernière monarque Stuart, est totalement sous la coupe de sa favorite Sarah Churchill, seule à savoir lui remonter le moral mais qui en profite aussi pour lui dicter sa politique, à la grande contrariété de l'opposition. Lorsque Sarah trouve une place de domestique à Abigail Hill, une de ses cousines, ses ennemis y voient une opportunité, car la jeune femme a bien l'intention de se faire une place à la Cour.

La Favorite de Yorgos Lanthimos débarque en France avec de bons échos, et quelques récompenses déjà en poche, notamment pour Olivia Colman, l'interprète de la reine Anne. Quand on s'attaque au genre du film historique, et a fortiori autour d'une figure connue, le risque est souvent de se montrer trop compassé et froid. Ce film prend le parti-pris inverse et ne s’embarrasse pas de prétendu réalisme, comme en témoigne une scène de bal où les figures des danseurs évoquent par moment plus le patinage artistique que la bourrée. On pourra alors reprocher au scénario d'accréditer la thèse d'une liaison entre Anne et ses favorites, ce qui semble fort contestable, ou un passage très fantaisiste montrant Sarah se retrouvant dans un bordel, mais le propos n'est pas là.

Si la pauvre reine Anne ne semble pas avoir grand chose pour elle, sa figure finit par se détacher au milieu d'une foule d'intrigants plus ou moins bien intentionnés, agissant pour leur avancement ou au nom du pays (disent-ils). On assiste à une lutte pour le pouvoir entre Sarah et Abigail, qui fait et défait les premiers ministres du royaume tandis que la reine ne semble qu'un pion dans leurs mains. Mais en fin de compte, qui détient vraiment le pouvoir, la favorite qui lui dit quoi faire en usant de la carotte et du bâton, ou Anne qui peut la chasser et la remplacer par une autre elle-même obligée de ne pas la mécontenter à son tour, de céder à ses demandes, et qui courra toujours le risque de perdre face à une nouvelle ambitieuse?

Le casting est de toute part excellent, que ce soit le trio de tête formé par Olivia Colman, Rachel Weisz et Emma Stone ou les rôles masculins plus secondaires, notamment Nicholas Hoult dans un rôle inhabituel de politicien aux dents longues et James Smith qu'il est bon de revoir après The Thick of It.

Le film alterne entre farce dans sa manière de décrire les comportements peu reluisants des courtisans et drame face aux tourments d'Anne et la précarité de l'existence de ses servantes. Néanmoins, malgré son impertinence et son aspect enlevé, le rythme faiblit dans sa deuxième moitié tandis que l'on voit vers quoi l'on se dirige mais qu'on enchaîne quelques séquences un peu répétitives.

Sur le même thème, je pense avoir préféré la pièce Queen Anne d'Helen Edmundson, moins déjantée sans pour autant manquer d'esprit et plus détaillée sur la contexte politique. Mais La Favorite évite le piège du biopic empesé et offre au contraire une vision enlevée et vivante des dernières années de la dynastie Stuart.