Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


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Abdul Karim mène une vie tranquille de clerc à Agra quand il est choisi pour se rendre en Angleterre présenter un mohur à la reine Victoria à l'occasion de son jubilé. De façon totalement imprévue, il attire l'attention de la vieille reine qui étouffe sous le poids de l'âge et du protocole et qui en fait son compagnon de prédilection, ce qui ne manque pas de faire réagir à la cour.

Il y a quelques années, Judi Dench avait interprété Victoria dans La Veuve de Windsor qui traitait de la relation controversée entre la reine et son domestique écossais John Brown. Quant à Stephen Frears, il n'est pas novice non plus pour conter un épisode de la vie d'une monarque britannique au règne interminable puisqu'il avait signé The Queen dans les années 2000. Cette fois-ci, on les retrouve pour un épisode un peu moins connu car redécouvert récemment, l'amitié qui a lié Victoria à un serviteur indien dans les dernières années de son règne.

La première partie du film est une comédie réussie qui repose principalement sur le décalage entre Abdul et les mœurs de la cour, régie par une étiquette aussi rigide que grotesque. Puis le film devient plus grave alors que l'entourage de la reine, en particulier son secrétaire privé Ponsonby, son médecin Reid et surtout son fils aîné et héritier Bertie (le futur Edward VII), conspire pour évincer Abdul.

Le tout est impeccablement joué, par le duo principal mais aussi par une galerie d'acteurs qu'on prend plaisir à revoir, que ce soit Tim Pigott-Smith (Ponsonby) dans un de ses derniers rôles, Julian Wadham en courtisan (j'ai oublié son rôle exact dans la maisonnée mais il vaut son pesant de cacahuète), ou Olivia Williams et Fenella Woolgar en dames de compagnie dépassées par les événements. Paul Higgins et Adeel Akhtar tirent leur épingle du jeu, le premier en docteur hostile à Abdul et le second comme le collègue puis domestique d'Abdul. Eddie Izzard ne s'en sort pas mal non plus en Prince de Galles mais son personnage est trop cantonné dans le registre de l'héritier haïssable et frise la caricature. C'est à ce niveau que le film se révèle décevant, car l'histoire est simplifiée et comme souvent, arrangée pour être plus touchante qu'elle ne l'était.

Comme je l'ai dit, les scènes comiques sont amusantes, mais finalement l'ensemble est répétitif car reposant trop sur le même mécanisme: les courtisans sont choqués par la proximité entre Abdul et Victoria, protestent, la reine les renvoie dans les cordes et offre de nouveaux privilèges à Abdul, les courtisans sont encore plus choqués, etc. De plus, Abdul est dépeint de façon un peu trop idéale. Si Mohamed semble confirmer à Ponsonby et Bertie qu'il n'est qu'un intrigant, la fin rassure sur la sincérité des sentiments d'Abdul vis-à-vis de la reine, et au pire il passe pour quelqu'un à qui les faveurs montent à la tête, mais sans aucune malice. Quant à Victoria, on la découvre ignorante de l'histoire et de la culture d'un pays dont elle s'est décrétée impératrice, mais on la dédouane vite de ses responsabilités et sa façon de maltraiter son petit monde fait simplement plaisir puisque son entourage est uniformément méprisable.

Dans la réalité, Abdul était réellement victime du racisme ambiant et il y avait aussi une bonne dose de sexisme dans la manière dont la relation était considérée scandaleuse (ce serait-on autant ému si un roi s'était entiché d'une soubrette, à moins qu'elle ne lui dicte sa politique ou qu'il veuille l'épouser?). Néanmoins, il était beaucoup moins sympathique et candide que le film ne le présente et davantage d’ambiguïté aurait été bienvenue (en fait, le personnage de Mohamed s'avère plus intéressant). De plus, si Edward VII ne s'est pas privé de renvoyer Abdul en Inde dès la mort de Victoria et a fait détruire une partie de sa correspondance, on force inutilement le trait dans sa vilénie en le montrant carrément le jeter dehors et balancer au feu ses affaires (Abdul a passé la fin de sa vie à Agra dans une propriété que la reine lui avait offerte, ce que le métrage ne précise pas)

Même si le film porte un regard peu amène sur la société impérialiste de l'époque, il préfère in fine proposer une conclusion assez sage et moins perturbante pour le spectateur, celle d'une belle amitié contrariée par des méchants facilement identifiables, mais un autre film affleure par moment, un film où le discours de Mohamed serait justifié, avec un Abdul exploitant sans vergogne les hauts représentants d'une nation qui exploite sans vergogne la sienne, et une Victoria qui passe outre car elle a besoin d'un compagnon et qu'elle prend un certain plaisir à voir son entourage sur les charbons ardents.

On discerne ces éléments ici et là, mais le résultat mis en avant reste trop dans le cadre de l'histoire touchante et édifiante promise par l'affiche. On passe donc un bon moment mais cela laisse un sentiment de frustration.
potion préparée par Zakath Nath, le Vendredi 6 Octobre 2017, 10:35bouillonnant dans le chaudron "Films".