Sweeney Todd, barbier de Fleet Street, ne semble pas très recommandable, mais aucun de ses clients ne s'est jamais plaint. Il est vrai qu'on ne les revoie pas tous. Ce qui ne coupe pas l'appétit des amateurs de tourtes de chez Mme Lovett.

À l'origine, Sweeney Todd était un penny dreadful, ces romans bon marché à sensation, paru en feuilleton entre 1846 et 1847. Si de nos jours le personnage est connu grâce au musical de Stephen Sondheim, adapté au cinéma il y a quelques années par Tim Burton, l'histoire d'origine est assez différente. On retrouve bien sûr le propos de base: un barbier meurtrier égorge des clients, les cadavres servent à remplir les tourtes de la restauratrice voisine. Certains éléments réapparaissent avec de légères différences: Johanna et Tobias sont bien là mais la première n'est pas la fille de Todd, le second est l'apprenti malheureux de ce dernier. Il y a un passage à l'asile mais pas avec le même personnage, etc.

De plus, il n'est pas question de vengeance ici. Todd est un assassin de bas étage, uniquement motivé par l’appât du gain et un goût prononcé pour la violence. On ne fait pas dans la psychologie, le but est avant-tout de faire frissonner le lecteur. Le roman ne manque néanmoins pas d'humour à plusieurs reprises même s'il use de ficelles un peu grossières. Je suppose qu'à l'époque, la révélation finale, qu'on pouvait soupçonner, devait être suffisamment percutante mais avec un personnage désormais bien connu, on ne peut compter dessus, d'où sans doute le besoin dans les adaptations d'ajouter une motivation plus profonde à Todd plutôt que dans faire un simple croque-mitaine.