Lucy Chambers se réveille toutes les nuits à 3h33 précisément. Ce n'est que le moindre de ses soucis, entre son travail à la protection de l'enfance, une mère démente et un fils qui souffre d'un trouble non-diagnostiqué. Comme si cela ne suffisait pas, un tueur en série s'intéresse à elle.

Tout, dans les six épisodes de The Devil's Hour, respire la BBC: Sue Vertue et Steven Moffat à la production, une distribution d'acteurs britanniques habitués des séries télés de la Beeb comme Jessica Raine et Peter Capaldi, un format strict qui ne dépasse pas 1h comme soumis à une grille de programmation, la réalisation de Johnny Allan et Isabelle Sieb, le mélange de thriller, de social et de fantastique... De quoi occuper la case 21h/22h pendant six semaines les dimanches soirs. Signe des temps, c'est pourtant sur Amazon qu'a atterri la série, proposée en binge-watching.

Tom Moran élabore un scénario au croisement de plusieurs genres: un duo de flics classiques composé d'un petit jeune doué et d'un vieux briscard qui a du mal à gravir les échelons enquêtent sur une série de crimes sans lien apparent, si ce n'est que le tueur semble obsédé par une certaine Lucy Chambers. Cette dernière, divorcée, est en proie à ce qui semble être des visions prémonitoires et son fils très étrange, apparemment incapable de ressentir et d'exprimer des sentiments, assène régulièrement qu'il ne devrait pas être là, voit des gens là où il n'y a semble-t-il personne... On devine assez vite qu'il y a là-dessous une histoire de réalités parallèles, que certains personnages comme la mère de Lucy ne sont, en quelque sorte, pas branchés sur le bon canal et que le mystérieux assassin incarné par Peter Capaldi n'est peut-être pas purement maléfique.

Il n'est pas vraiment préjudiciable pour l'histoire d'y voir vite plus clair sur certains points que les personnages qui forcément sont rationnels et ne sont pas conscients d'être dans une série fantastique. D'une part on suit sans trop d'encombre une intrigue qui par ailleurs peut paraître alambiquée, d'autre part le suspense reste intact jusqu'au bout car on ne sait pas comment les personnages vont accepter et se dépatouiller d'une situation aussi bizarre qu'a priori insoluble. Partie en pensant qu'il s'agissait d'une mini-série, les cinq dernières minutes m'ont temporairement gâché l'impression d'ensemble et j'étais en train de me dire que vraiment, "remboursez, c'est honteux!" mais ouf, il y a un plan sur trois saisons, en espérant du coup un renouvellement car on ne peut en rester là.

Côté casting, c'est du solide qualité british. Jessica Raine est impeccable en mère dépassée, agent de la protection de l'enfance zélée tandis que Peter Capaldi n'a pas a beaucoup se forcer pour être inquiétant dans son rôle de psychopathe qui n'en est peut-être pas un et dont le rapport au temps est particulier... De là à en faire un justicier déguisé, il y a un pas que la conclusion de la saison est fort loin de franchir. Quant au jeune Benjamin Chivers, il campe ce qui pourrait paraître un énième gamin flippant de film d'épouvante mais son rôle s'affine peu à peu et il parvient à être touchant sans exprimer beaucoup.

The Devil's Hour, série à mystères pas si mystérieuse que cela finalement, sait intriguer par un suspense bien géré et régulièrement relancé, même quand on soupçonne assez vite la direction générale. Il faut tout de même espérer qu'on n'en restera pas là, les fins ouvertes peuvent avoir leur charme mais pas vraiment dans ce cas précis.