Où suis-je?

Bienvenue sur ce blog consacré à un peu tout et n'importe quoi, mais où il sera principalement question de: Harry Potter et la fantasy en général, de romans d'aventures maritimes, de littérature, de séries télés (majoritairement des productions britanniques, mais pas que) et de cinéma!


mon compte twitter mon tumblr mon compte bétaséries



Les aventuriers de l'article perdu

Archive : tous les articles

Principaux grimoires

Inventaire des ingrédients

Ce qui mijote encore

Potion précédente-Potion suivante
The Crown, saison 4
Elizabeth II accueille Margaret Thatcher, fraîchement élue. La cohabitation entre les deux femmes, de même génération mais de milieux et de tempéraments opposés ne sera pas aisé. Charles est encouragé à se marier et rencontre une candidate idéale potentielle, la jeune Diana Spencer.

Ce n'est pas un scoop mais ce n'est pas forcément très connu: à l'origine de The Crown, il y a certes The Queen, le film de Stephen Frears scénarisé par Peter Morgan sur l'attitude de la reine à la mort de Diana et les tentatives de Tony Blair de lui faire comprendre qu'elle doit sortir de sa réserve coutumière, mais aussi une pièce de théâtre qu'il a écrite ensuite, The Audience, construite autour des entrevues hebdomadaires d'Elizabeth II et de ses Premiers Ministres. La série de Netflix a agrandi l'angle de vue, devenant une saga familiale sur fond de transformation d'un pays dans la deuxième moitié du XXe siècle, dont le point d'ancrage, malgré les digressions, reste toujours la Couronne et celle qui la porte. Toutefois derrière les fastes et les grands moyens déployés, on en revient régulièrement à la base: Elizabeth II et ses chefs de gouvernements qui se retrouvent en tête-à-tête. Or, si Eden, MacMillan, Wilson et dans une moindre mesure Ted heath ont chacun amené quelque chose de différent et d'intéressant, il faut reconnaître que sur ce front, on ne s'est jamais tout à fait remis du départ d'un personnage qui projette une aura écrasante, Winston Churchill. Voilà en partie pourquoi cette quatrième saison était attendue: on allait enfin avoir une figure politique capable de rivaliser avec lui à Downing Street, en terme de notoriété en tout cas. L'autre gros morceau concernait la famille royale elle-même avec l'arrivée de Lady Diana.

Deux nouvelles venues et deux femmes fort différentes mais qui chacune à leur manière vont ébranler le status-quo dans lequel la série aurait pu s'enfermer après une saison 3 dont les moments forts ressortaient dans une ambiance presque plus contemplative, mélancolique et faussement apaisée à présent que la reine était bien calcifiée dans son rôle. Concernant Thatcher, l'équilibre était délicat entre sombrer dans la caricature ou au contraire se montrer trop complaisant comme cela avait été reproché au biopic (que je n'ai pas regardé)qui a valu un Oscar à Meryl Streep . Sur ce point on ne s'en tire pas mal: Gillian Anderson est glaçante et si on en vient presque à la plaindre lors d'un séjour à Balmoral où les Windsor lui font sentir qu'elle n'est pas de leur monde, cela ne dure guère. De manière intéressante d'ailleurs, un passage qui aurait pu tomber dans la facilité pour l'humaniser et la rendre plus sympathique prend au contraire la direction inverse: la disparition de son fils durant une édition du Paris-Dakar montre qu'il y a une mère éplorée derrière la Dame de Fer... mais c'est pour mieux la dépeindre ensuite chouchoutant un être absolument odieux et rabaissant sans scrupule sa fille, non sans hypocrisie: elle qui prône la méritocratie face aux privilèges car c'est ce qui lui a valu d'arriver au sommet gâte un bon à rien juste parce qu'il est le fruit de ses entrailles. Plus tard on la voit défendre son refus de sanctionner l'Afrique du Sud en plein Apartheid au nom de la défense de l'économie mais mentionne en passant que son fils, toujours lui, y fait des affaires... D'une saison à l'autre, on voit de plus en plus la population et pas seulement les grands de ce monde et l'épisode 5 Fagan est de ce fait particulièrement remarquable: consacré à l'homme qui s'est introduit dans les appartements de la reine à Buckingham, loin de se borner à un fait divers pittoresque, il permet de montrer les ravages du thatchérisme sur des gens qui jusque-là n'avaient pas eu droit au chapitre dans la série. Les entrevues de la Ministre avec la reine font également partie des meilleurs passages de la saison.

Celle-ci amène également les débuts du feuilleton Diana. J'en ai déjà parlé sur ce blog mais j'y reviens tout de même au cas où, je ne suis pas du tout fan d'elle. Ses démêlés avec les Windsor font partie de mes premiers souvenirs télévisuels, le psychodrame autour de sa mort m'avait bien saoulée à l'époque(j'étais alors au collège), bref, je trouve que son existence a été bien malheureuse mais elle ne m'a jamais passionnée pour autant (ce qui n'a pas aidé c'est qu'elle était présentée comme une icône de la mode et c'était la mode des années 80/90). Cela dit, j'ai trouvé qu'Emma Corrin, nouvelle venue dont le CV devrait s'étoffer après cette performance, était impeccable, rendant bien le côté "Shy Di" du personnage et sa vulnérabilité tout en laissant percevoir déjà son goût de la mise en scène (sa rencontre avec Charles l'illustre bien), son besoin de popularité qui va devenir une arme contre sa belle-famille mais lui coûtera aussi la vie.

Ce qui frappe néanmoins, au-delà de ces deux portraits de femmes très attendus, c'est le dézingage en règle d'à peu près tout le monde. Il s'agit de la saison la plus violente psychologiquement parlant. Peut-être parce qu'on n'est plus dans l'histoire ancienne avec une jeune reine au sortir de la Seconde Guerre Mondiale et qu'il n'y a plus la distance pour faire paravent: c'est une chose d'aborder le sujet des accointances nazies d'un ancien roi mort depuis quarante ans, une autre de montrer le prince Andrew résumer un film érotique mettant en scène une jeune fille mineure et de vieux pervers à la lumière de l'affaire Epstein (on pouvait se demander si la série ne survolerait pas Andrew sous prétexte qu'il est un membre secondaire de la Firme et éviterait ainsi de faire allusion aux sujets qui fâchent: on le voit peu mais on l'habille pour l'hiver). Quoiqu'il en soit, d'une famille avec des tensions et quelques membres à problème mais dans l'ensemble encore touchante, on passe à ce qui apparait par moment comme une véritable galerie de monstres d'indifférence, de cruauté, de snobisme ou de froideur selon les moments, dont on comprend comment ils en sont arrivés là et pour qui on peut s'attrister à l'occasion (encore une fois, Margaret n'est pas à la fête dans un épisode qui déterre de douloureux secrets) mais qui offre un tableau bien peu glorieux. Même la reine, plutôt préservée jusqu'ici, commence à payer le prix de sa distance en constatant ce que deviennent ses enfants, sans pour autant corriger le tir. Les précédentes saisons montraient les Windsor ou leurs secrétaires privés insister sur l'importance de la Couronne comme institution fédératrice et source de stabilité mais plus que jamais éclate au grand jour à quel point cela crée une famille qui n'a rien de naturel, où les rapports de force et de hiérarchie changent du tout au tout en fonction des morts et des naissances et l'impact désastreux de ce système qui finit par rejaillir sur tous ses membres. C'était en fait en germe dès le début de la première saison où la mort de George VI modifiait la dynamique entre mère, filles, sœurs, femme et mari mais les ravages sont ici tellement généralisés qu'on n'en sort pas indemne.

De l'assassinat de Lord Mountbatten à la démission de Margaret Thatcher, le programme de cette saison était particulièrement lourd et l'on peut regretter qu'on survole certains sujets aux dépends d'autres (je comprend la place importante accordée à Charles et Diana mais je n'aurais pas objecté à davantage d'Irlande du Nord, de précisions sur les Malouines, de grèves des mineurs...). Entre une famille royale encore emprunte de traditions victoriennes et un XXe siècle qui touche à sa fin, le décalage est flagrant et les personnages, coincés dans leur bulle, en prennent tous pour leur grade. Si l'on pouvait craindre de voir The Crown s'enfermer dans une routine cosy de reconstitution historique empesée et chic, c'est en réalité l'inverse qui se produit, au point de se sentir presque malmené, mais le savoir-faire de l'équipe rend toujours le spectacle passionnant.
potion préparée par Zakath Nath, le Mardi 17 Novembre 2020, 20:56bouillonnant dans le chaudron "Séries tv".